Écologie : amie des poissons ?

N° 305 - Publié le 9 janvier 2013
© Jacques Le Meur
À Lorient, en octobre 2011, Éva Joly écoute Olivier Le Nézet, président du Comité régional des pêches de Bretagne.

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Face à la pêche, l’écologie a toujours joué un rôle d’aiguillon, pour le meilleur et pour le pire.

L’écologie rassemble une pléthore d’organisations, comme Greenpeace, WWF France, Oceana et surtout la fédération Ocean2012 qui réunit 174 associations sous la bannière de la fondation américaine Pew Environment (dont l’argent initial provient du pétrole). Une grande partie de ces associations, telle WWF, dialogue avec le monde de la pêche, d’autres, comme Greenpeace ou Bloom, maintiennent une forte opposition. Pourtant, le monde de la pêche n’est pas aujourd’hui en opposition avec l’écologie et le développement durable. L’amélioration de nombreux stocks de poisson est sans doute à mettre au compte des pressions des ONG, des évolutions réglementaires et de la prise de conscience des pêcheurs.

Un lobbying à 75 millions de dollars

La galaxie verte a été étudiée par l’association Pêche et Développement qui a publié ses constatations sous le titre “Blue Charity Business” : « Cinq fondations américaines, dont Pew, ont investi depuis une dizaine d’années au moins 75 millions de dollars pour financer un lobbying ciblé sur la politique commune des pêches. Elles ont en commun une vision conservationniste extrême, fondée sur la vision américaine du wilderness, c’est-à-dire de la nature vierge... Nous ne partageons pas leur approche des solutions basées sur la privatisation des droits de pêche. Ces fondations considèrent que la main invisible du marché est la plus efficace et la moins coûteuse pour retrouver un état écologique correspondant à leur vision. »

Entre lobbys et démocratie

La révision associe, côté face, une ouverture démocratique et, côté pile, une plus grande exposition aux lobbys.

Il faut trouver un premier compromis à l’intérieur du Conseil des ministres et un second au Parlement, et, en final, un compromis entre les deux structures, en sachant qu’elles sont de même niveau en termes de décision. Vice-président de la commission “pêche” du Parlement, le député Alain Cadec s’est donné comme mission de défendre les intérêts de la pêche française. Au printemps de 2012, il avait dénoncé fermement le projet de réforme comme étant “ultralibéral”, mais depuis il a obtenu des assouplissements. L’avis émis par cette commission devra être ratifié par le Parlement. À ce niveau, rien n’est nécessairement simple puisque le député de la commission devra encore convaincre son intergroupe.

Les lobbys à la manœuvre

La complexité croissante de l’Europe en fait une proie facile pour les groupes de pression : 15000 lobbyistes dont 3500 sont accrédités. En ce qui concerne la pêche, les plus efficaces sont les ONG écologistes qui ont su occuper l’ensemble du terrain.

C’est dans ce contexte que l’Audelor, l’Agence d’urbanisme et de développement économique du pays de Lorient, a créé un poste de chargé de mission, confié à Nicolas Teisseire. Il est missionné pour défendre la pêche sur les grands fonds (lire p. 15) et la filière lorientaise. « Il faut suivre les réunions de la commission “pêche” en entretenant des contacts personnels ainsi que des contacts non visibles. Il est important de se lier aux attachés parlementaires. Ce sont eux qui préparent le travail de leur député et ils sont davantage disponibles. Certains me reçoivent avec leur député, qui lui, est davantage au fait des arbitrages politiques. »

De plus en plus complexe

« Sur des questions techniques, même les pêcheurs ont du mal à s’y retrouver, déplore Jacques Pichon, directeur de l’organisation Pêcheurs de Bretagne. À plusieurs niveaux de ce système, la connaissance réelle des intervenants est problématique. Nous sommes censés les convaincre de notre point de vue, de même que les ONG qui, elles, sont présentes en permanence. » De plus, tous les États ont droit de vote et en usent dans le cadre de marchandages dans lesquels la pêche, vu sa dimension très restreinte, ne pèse pas de manière déterminante. L’ouverture démocratique dont il est question est donc loin d’être un facteur de simplification.

Jacques Le Meur

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