La carte géologique bretonne se dessine

N° 251 - Publié le 17 décembre 2014
© BRGM
La carte géologique au 1/50000e de Saint-Brieuc, publiée en 2006, était l’une des dernières pièces manquantes du puzzle breton. Les cartes d’aujourd’hui sont truffées d’informations inédites sur les roches superficielles.

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Le sous-sol breton n’est pas totalement connu. Les géologues terminent le puzzle en cartographiant les roches de surface.

La Bretagne aura sa carte géologique complète en 2009. Il y a urgence ! L’État veut accélérer la cartographie géologique de la France, au 1/50 000e, pour localiser des roches capricieuses : les argiles. En période de sécheresse, comme en 2003, les sols argileux se rétractent, la terre bouge... et les maisons se fissurent, parfois gravement. Ce phénomène n’est pas anodin. La seconde cause d’indemnisation, à la suite de catastrophe naturelle, ce sont les sinistres dus au “retrait-gonflement” des argiles ! La Bretagne, où quelques secteurs sont sinistrés, doit aussi boucler sa carte.
C’est le BRGM(1) qui en a la charge. La dernière “feuille” publiée en Bretagne, en 2006, est la carte géologique de Saint-Brieuc. « Les dernières zones à couvrir sont Vitré, Guer, Dinan, Bubry, Josselin, Auray-Quiberon et Vannes, explique Michel Leclercq, directeur du BRGM Bretagne. Il faut compter deux années pour un document au 1/50 000e. » Une carte IGN au 1/25 000e en poche, le géologue part quadriller le terrain avec « une boussole, un marteau, une loupe, des crayons de couleur, un carnet et un bonnet », résume Jean-Michel Schroetter, géologue au BRGM.

« Comprendre le paysage »

Pour traquer « les discontinuités géomorphologiques », le géologue observe les roches visibles qui affleurent, les sédiments dans les fossés, les bords de routes, les falaises, le fond des vallons. Tous les indices sont bons, par exemple ces pierres retournées par les labours, qui reflètent la nature des roches en profondeur : granit, schistes, grès ou conglomérats. « Il faut comprendre le paysage », poursuit Jean-Michel Schroetter. Le géologue identifie tous les types de roches, soit en expédiant des échantillons à des spécialistes, soit en consultant des livres ; il leur attribue une couleur, qu’il reporte sur la carte topographique. « C’est un travail physique et intellectuel, au croisement de plusieurs disciplines de la géologie, comme la sédimentologie, la tectonique et la pétrologie. »
Pour préciser sa carte, le scientifique peut aussi effectuer des sondages. Il fore alors avec une “tarière”, une vis sans fin de 15 cm de diamètre, jusqu’à plusieurs dizaines de mètres en profondeur. Mais il dispose surtout de la Banque de données du sous-sol (BSS), où sont référencés les 25 000 forages bretons supérieurs à 10m, réalisés pour les fondations d’un pont ou pour chercher de l’eau. Sans compter la construction des routes, des carrières... ou du métro de Rennes, qui apportent leur lot d’indices. Les photographies aériennes de l’IGN(2) peuvent également être utiles.

Routes, recherche en eau, agriculture

Le géologue doit aussi connaître les thèses rédigées sur les roches armoricaines... et citer tous les articles scientifiques dans la notice de la carte, qui fait 200 pages ! Chaque feuille s’accompagne d’un travail de bibliographie, car « une carte géologique, c’est d’abord un document scientifique », souligne Jean-Michel Schroetter. Chacune est validée par un comité national, avec des membres du BRGM, des universités et du ministère de la Recherche. Quand toutes les feuilles au 1/150 000e seront bouclées, viendra la longue étape de l’harmonisation des documents entre eux, grâce à l’informatique. Après seulement, la carte des formations riches en argiles pourra être établie.
La carte géologique de la Bretagne servira notamment pour la construction des routes, la recherche d’eau potable ou de ressources minérales (granulats, argiles, kaolin) pour l’industrie. Enfin, une autre sera publiée, pour laquelle le BRGM accumule des données depuis trois ans : la carte géologique des formations superficielles. Cet outil deviendra indispensable pour l’agriculture, les aménagements urbains ou la gestion des pollutions.

Des cartes historiques !

La Bretagne est déjà couverte par des cartes géologiques... au 1/80000e. Elles datent du début du 20e siècle, pour la plupart. Entre 1885 et 1909, le professeur lillois Charles Barrois a ainsi réalisé 18 cartes géologiques au 1/80 000e, couvrant 40% de la région. « Elles étaient dessinées à la main, explique Michel Leclercq, directeur du BRGM(1). Ce sont quasiment des œuvres d’art qui demandaient un travail énorme ! Pour faire des sondages, les géologues partaient en expédition, comme on le ferait aujourd’hui dans le Grand Nord canadien, par exemple. » Ces cartes sont peu détaillées par rapport à celles au 1/50 000e, car on s’intéressait alors moins aux rochers superficiels qu’à l’histoire de la Terre. Les roches du socle, les granits ou les schistes, oui ! Mais « un détail dans les alluvions d’une rivière, les sables, les argiles, les granits altérés et toutes les roches du quaternaire, ce n’était pas la mission des géologues », note Jean-Michel Schroetter, géologue au BRGM. Aujourd’hui, pour l’urbanisme, l’agriculture et l’aménagement, il faut au contraire tout connaître des roches en surface.

Nicolas Guillas

(1)Bureau de recherches géologiques et minières.
(2)IGN : Institut géographique national.

Michel Leclercq
Tél. 02 99 84 26 75
m.leclercq [at] brgm.fr (m[dot]leclercq[at]brgm[dot]fr)
Jean-Michel Schroetter
jm.schroetter [at] brgm.fr (jm[dot]schroetter[at]brgm[dot]fr)

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