La Terre se met en cartes
2008, année de la Terre. Comment représenter l’occupation des sols, la profondeur des océans... sur une carte ?
Si les cartes sont belles avec leurs harmonies de couleurs, leurs courbes... tant mieux. Mais leur objectif est avant tout fonctionnel. Une carte sert à représenter des phénomènes géographiques dans un espace donné. Et c’est l’utilisation qui en est faite qui détermine ce qui y est reporté.
La carte est un outil de travail pour de nombreux scientifiques. Un outil qui est produit par d’autres scientifiques, ou par ceux-là même qui les utilisent. Mais comment ?
Il faut d’abord collecter les informations. Le laboratoire Costel(1) de l’Université Rennes2, par exemple, s’intéresse, entre autres, à l’occupation des sols. Il s’agit alors, sur un territoire, de savoir si telle parcelle est une prairie, un champ de céréales, une jachère... Pour cela, les cartographes se basent sur des photographies aériennes ou des images satellites.
Peindre à la main
Ensuite, il faut représenter ces informations. Et là, il existe des codes quant au choix des pictogrammes, des couleurs... « Si les prairies sont en vert et les champs de céréales en jaune, ce n’est pas parce que c’est joli. C’est parce que cela signifie quelque chose pour celui qui lit la carte », explique Jean Nabucet, gestionnaire de bases de données au Costel.
Une fois les informations connues et les codes de représentation maîtrisés, place aux outils. Table à dessin, crayons et palette de peinture, puis logiciels de dessin assisté par ordinateur et, enfin, Système d’informations géographiques (SIG) aujourd’hui. Il y a 20 ans, Isabelle Ganzetti-Gemin, cartographe au Costel, traçait les limites de parcelles à la main. Le passage aux logiciels de dessin lui a permis de multiplier la palette de couleurs et les outils de représentation.
« On a pu figurer beaucoup plus d’éléments par document et le format numérique a rendu les cartes reproductibles et évolutives. »
Des informations démultipliées
Le SIG va plus loin. Il s’appuie sur des bases de données, dans lesquelles de nombreuses informations peuvent être entrées. Pour le laboratoire qui planche sur l’occupation des sols, peuvent être recensés la superficie de la parcelle, le type d’utilisation du sol, les populations qui y vivent... Ensuite le cartographe choisit, dans la base, ce qu’il souhaite indiquer sur sa carte et le système informatique s’exécute. « Par exemple, on peut mettre en corrélation des informations sur la qualité d’un cours d’eau et sur l’occupation des parcelles qui l’entourent, pendant une période déterminée », commente Jean Nabucet. C’est le point fort du SIG, croiser les données spatiales et temporelles.
Les cartes obtenues par SIG nécessitent donc de nouvelles compétences dont la gestion de bases de données. Elles offrent surtout beaucoup plus d’informations aux scientifiques qui s’appuient sur elles pour leurs travaux. Sans compter que ces cartes peuvent, à tout moment, être précisées ou complétées, en croisant avec un nouveau champ de la base de données. Grâce à ce nouvel outil, la réalisation d’une carte va plus vite et son interprétation plus loin.
Google Earth avant l’heure
L’équipe de Pierre Aurousseau de l’UMR Sol-Agronomie-Spatialisation de Rennes a développé, dès 1998, des applications qui reconstituent la topographie de la Bretagne en 3D.
La carte se survole et ses données sont interactives. Une sorte de Google Earth élaboré, créé bien avant l’application du géant américain. « On superposait nos bases de données environnementales avec une base de données topographiques. Au survol d’une parcelle, on pouvait connaître le risque de pollution des eaux par les pesticides, par exemple. » Une technique encore très compliquée en 2002 (qui leur a valu le prix Laval Virtual) et, surtout, très onéreuse. Faute de moyens suffisants, l’équipe a dû se rabattre sur des techniques plus classiques de SIG pour réaliser ses cartes.
Aujourd’hui le fossé se réduit progressivement entre les applications grand public et celles développées par des scientifiques pour leurs recherches. « Mais il n’est pas encore comblé ! Par exemple, la vision stéréoscopique n’est pas encore une application grand public », précise Pierre Aurousseau.
Tél. 02 23 48 54 28
pierre.aurousseau@agrocampus-rennes.fr
(1)UMR CNRS 6554 LETG.
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