Des boucliers antimildiou
la lutte contre le mildiou semblait perdue d’avance. Mais les généticiens ont de nouvelles stratégies pour le contrer.
Ce champignon est un rouleau compresseur. Depuis la première épidémie, qui a ravagé les champs d’Europe en deux saisons, à partir de 1845, le mildiou est l’ennemi numéro un de la pomme de terre. Plusieurs fois, les hommes ont cru trouver la parade contre ce maudit parasite. Dès le début du XXe siècle, grâce à des croisements avec des espèces sauvages, ils ont introduit jusqu’à... onze gènes de résistance. « Mais ces gènes, baptisés R1, R2, etc., ont été contournés les uns après les autres. Le champignon s’adapte : il ne synthétise plus ce qui permet à la plante de le reconnaître », explique Sylvie Marhadour, ingénieur de recherche de la FNPPPT(1), à Ploudaniel. La scientifique travaille dans cette station Inra avec de nombreux spécialistes du mildiou.
S’il faut une dizaine d’années pour créer une nouvelle variété... le mildiou, lui, mute beaucoup plus vite : en trois ans, il peut casser une résistance sur un gène ! Comment gagner cette course à l’échalote ? Quand une pomme de terre est dotée de gènes de résistance partielle, la vitesse de propagation de la maladie diminue : « C’est comme si, au lieu de mettre un bouclier devant le mildiou, on en mettait quinze ! »
Pour lutter contre les maladies, il faut des généticiens du plant. Avec ses collègues à Ploudaniel, Sylvie Marhadour cherche ainsi à comprendre « où sont les facteurs génétiques de la résistance, pour identifier des marqueurs moléculaires, qui serviront à la sélection des plants en laboratoire. Mais il faut aussi des généticiens des parasites ! À l’Inra, au Rheu, au sein de l’UMR Biologie des organismes et des populations appliquées à la protection des plantes (BiO3P), Didier Andrivon est responsable de l’équipe spécialisée dans la résistance des plantes aux champignons et aux bactéries. Ces chercheurs identifient les maladies de la pomme de terre, à partir de leurs symptômes, de la morphologie des organismes (nématode, virus ou champignon) et de critères génétiques.
Ils suivent les populations de parasites et tentent de prévoir combien de temps une résistance à un parasite sera efficace.
« Le combat contre le mildiou dure depuis 160 ans, résume Didier Andrivon. Le problème n’est pas de le gagner en éradiquant le parasite ! Car l’expérience prouve que la nature a horreur du vide : quand un problème parasitaire est réglé, un autre survient. » Il faut plutôt trouver un équilibre entre le mildiou... et un niveau de production et de qualité suffisant.
Le champignon attaque le plant et ses tubercules.
© Inra
Une saison 2007 catastrophique
« À chaque nouvelle variété de pommes de terre présentant une résistance doit être associé un mode d’emploi. » Cela veut dire, par exemple, ne pas cultiver de grandes surfaces homogènes avec la même variété : « Si le parasite contourne la résistance, il n’y aura pas de frein à sa dispersion. Ce n’est pas le cas si on adopte une stratégie de diversification : en cultivant plusieurs variétés sur des parcelles proches, voire à l’intérieur d’un même champ, et d’une année sur l’autre. » Adossées à la recherche génétique, ces stratégies permettront de juguler le mildiou... en réduisant les fongicides. Mais ce n’est pas encore gagné. La saison 2007, très humide, a été catastrophique : une vingtaine de traitements phytosanitaires ont été nécessaires, de la plantation jusqu’à la récolte.
(1)FNPPPT : Fédération nationale des producteurs de plants de pommes de terre.
Didier Andrivon
Tél. 02 23 48 51 93
didier.andrivon [at] rennes.inra.fr (didier[dot]andrivon[at]rennes[dot]inra[dot]fr)
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