La mer est riche en sucres !
La mer est un milieu où les scientifiques enrichissent leurs connaissances sur les sucres. Très utilisés par l’industrie.
Ils composent la cellulose de nos vêtements, l’amidon de la mie de pain, la pectine des confitures... Les polysaccharides sont partout. Ces sucres sont les molécules les plus abondantes sur notre planète. « Pourtant elles sont peu étudiées car trop complexes, regrette William Helbert, chercheur à la Station biologique de Roscoff et coordinateur du projet Crazy polysaccharides(1) labellisé par le pôle Mer Bretagne. Ce sont de gros sucres, formés d’une grande quantité de petites briques plus simples. Notre objectif est de trouver des enzymes capables de les découper en petits morceaux, pour les étudier plus facilement. » Et plus rapidement : comprendre la structure d’une molécule dans son ensemble demande plus de trois ans de travail !
Une précision au micromètre
Quelques procédés chimiques, à base de soude par exemple, sont bien utilisés pour décomposer les polysaccharides exploités industriellement. En pharmacologie, notamment, qui préfère les petites molécules. Mais la voie enzymatique est celle du futur. « C’est naturel et, surtout, la découpe est beaucoup mieux contrôlée, assure Claire Boisset, du laboratoire biotechnologies et molécules marines de l’Ifremer à Brest. Là où les produits chimiques cassent au hasard, l’enzyme scinde le sucre à des endroits précis. »
Du sucre sous-marin
Depuis le début du projet, en 2008, l’équipe construit une collection de polysaccharides. Certains sont connus, d’autres totalement nouveaux. L’Inra fournit des molécules terrestres. « Mais la plus grande variété chimique se trouve sous les flots », affirment les biochimistes. L’Ifremer va donc à la pêche aux sucres au large des côtes bretonnes et dans les profondeurs des océans, près des sources chaudes (lire article ci-contre). « À la Station biologique de Roscoff et au Centre d’étude et de valorisation des algues de Pleubian, nous les extrayons des algues et des microalgues, poursuit William Helbert, nous espérons en rassembler environ 400 en tout d’ici la fin du projet, prévue pour 2011. »
De l’enzyme aux gènes
Les chercheurs sont également à l’affût des bactéries susceptibles de fournir les enzymes tant convoitées. « Nous testons des bactéries, sans a priori, sur la collection. Il peut ne rien se passer. Mais lorsque le bon couple sucre-enzyme est réuni, c’est gagné ! » Des tests de colorimétrie donnent la preuve en couleurs de la réussite. « Nous avons déjà découvert deux nouvelles activités enzymatiques. C’est énorme, cela remplit une bonne part des objectifs de Crazy. L’étape suivante, c’est de purifier l’échantillon, d’enlever de la bactérie les parties inutiles pour isoler l’enzyme. »
La collection de polysaccharides sert enfin à tester des gènes dont on ignore encore la fonction. Si les protéines codées par ces gènes décomposent les polysaccharides, alors elles pourront rejoindre la famille des enzymes. Cela permettrait de combler les lacunes qui subsistent dans certains génomes animaux. Une jolie cerise sur le gâteau !
(1)Criblage d’activité enzymatique, projet ANR réunissant le CNRS, l’Inra, le Céva et l’Ifremer.
William Helbert
Tél. 02 98 29 23 32
helbert [at] sb-roscoff.fr (helbert[at]sb-roscoff[dot]fr)
Claire Boisset
Tél. 02 98 22 46 10
claire.boisset [at] ifremer.fr (claire[dot]boisset[at]ifremer[dot]fr)
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