Quoi de neuf sur les ondes ?

N° 269 - Publié le 18 août 2014
© Cnrs Photothèque - Cremant - France Télécom-Orange Labs - Emmanuel Perrin / © Photo Alto - Sigrid Olsson

Une nouvelle génération d’ondes va envahir notre quotidien. Des chercheurs rennais étudient leurs effets sur le vivant.

Du GSM(1) au Wi-Fi(2), aujourd’hui, nos moyens de télécommunications utilisent les bandes de fréquences comprises entre 900 MHz et 2,1 GHz. Demain, l’heure sera aux ondes millimétriques. Perchée dans les très hautes fréquences, de 30 à 300 GHz, cette nouvelle génération d’ondes intéresse les industriels. « Elles peuvent transporter des informations avec un plus haut débit, explique Maxim Zhadobov, chercheur à l’Institut d’électronique et de télécommunications de Rennes (IETR), où une équipe(3) étudie ces ondes depuis plus de sept ans déjà. Mais jusqu’à présent, la technologie ne permettait pas de développer des antennes millimétriques suffisamment petites et bon marché pour des applications grand public. » Désormais, c’est possible. Les ondes millimétriques feront donc bientôt leur entrée dans nos domiciles. Elles complèteront progressivement les technologies sans fil existantes, comme le Wi-Fi, pour relier l’ordinateur à l’imprimante, ou la télévision au décodeur.

Des ondes domestiquées

Elles possèdent, en plus de leur taille, une autre particularité. « Les ondes millimétriques sont présentes dans l’espace mais, contrairement aux ondes basses fréquences qui se matérialisent par de la neige sur les écrans de télévisions, elles sont bloquées par notre atmosphère, précise Yves Le Dréan, biologiste, et n’existent donc pas à l’état “sauvage” sur notre Terre. » Elles étaient par contre utilisées à des fins médicales dès les années 80 par les ex-pays du bloc soviétique. « Cela laisserait supposer un effet sur le corps humain, mais les puissances utilisées en thérapie étaient beaucoup plus importantes que les niveaux permis dans les télécommunications actuellement. Et surtout, aucune preuve scientifique n’existe de ces propriétés guérisseuses ! »

Pourtant, pour aller au-devant d’éventuelles découvertes et fort de sa spécialisation dans le domaine, l’IETR s’est lancé en 2004 dans une étude sur les effets des ondes millimétriques sur notre organisme, en collaboration avec l’équipe de biologistes de l’Université de Rennes1(4). Une analyse en amont, qui permettra peut-être d’éviter de reproduire les déboires d’Interphone, une étude internationale toujours en cours sur les effets des téléphones portables (lire p.18).

À l’échelle de la cellule

« Nous travaillons à l’échelle de la cellule et en deçà, explique Maxim Zhadobov, les biologistes nous fournissent des échantillons de cellules de peau notamment. De notre côté, nous avons mis au point des systèmes d’exposition et de dosimétrie qui nous permettent d’exposer les cellules à des ondes de fréquences et de puissances différentes, pendant des durées variées. » Les électroniciens calculent et mesurent la répartition du champ électromagnétique pour déterminer des conditions d’expositions optimales. Avant de renvoyer la balle aux biologistes moléculaires pour une dernière batterie de mesures. « Pour détecter des changements au niveau de la cellule, nous observons des molécules qui se renouvellent en permanence : certaines protéines, l’ARN. Elles sont le reflet de l’expression du génome de la cellule. » Ce petit jeu d’aller-retour est coûteux, en temps surtout. Car pour chaque paramètre, il faut reproduire l’expérience trois à dix fois, afin d’obtenir des résultats statistiques valides.

Aucun effet notoire

« Pour l’instant, nous n’avons repéré aucun effet des ondes millimétriques sur les cellules, précise à ce sujet Yves Le Dréan, le biologiste de l’étude. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’en l’état actuel de la recherche, nous ne connaissons qu’un seul effet possible des ondes sur leur environnement. C’est l’effet thermique, celui qui permet à votre eau de bouillir au four à micro-ondes. Et les puissances utilisées en télécommunications, quel que soit le type d’ondes, sont trop faibles pour générer un tel échauffement. » D’ailleurs la puissance maximale est calculée en fonction. C’est la puissance à laquelle les premiers effets thermiques apparaissent, divisée par 50 ! « La polémique tient plutôt à l’hypothèse d’autres effets, encore inconnus. D’où toutes nos expériences. »

41 000 gènes à observer

Dans les années à venir, l’IETR va poursuivre ses études. « Jusqu’à présent, nous nous sommes limités à des puissances relativement basses, en deçà du seuil légal d’exposition. Nous allons passer à de plus fortes puissances », détaille Maxim Zhadobov. « Nous travaillons aussi avec Biogenouest(5), pour une étude toujours avec les ondes millimétriques, mais sur le génome entier cette fois, ajoute Yves le Dréan, 41 000 gènes à observer, soit tous les gènes codants humains, plus quelques variants d’expression. » Les résultats sont en cours d’analyse et devraient paraître dans quelques mois. Au monde, seules trois équipes s’intéressent spécifiquement aux effets potentiels de ces ondes du futur. Toutes les oreilles étant pour l’instant tournées vers les téléphones portables... 

Plus d’espace pour les ondes

D’ici fin 2011, tous les téléviseurs seront convertis au numérique.  Ce changement dans le système de codage, plus efficace, va libérer des bandes de fréquences.

Le dividende numérique ainsi créé a donc été réparti entre les différents utilisateurs, par l’Agence nationale des fréquences (ANFR). Cette institution gère les ondes comme on gère des terrains. « Elles font partie du domaine public, explique Marc Dizerbo, de l’antenne brestoise de l’ANFR. Il faut partager les fréquences entre les multiples utilisateurs, de la télévision à l’aviation militaire. » Avec l’arrivée de la téléphonie mobile, les besoins ont explosé, laissant entrevoir une saturation du spectre dans certaines fréquences. Autant dire que le fruit du dividende numérique était convoité ! « Les fréquences libérées par la télé numérique ont toujours “appartenu” au CSA(6), qui estime qu’elles lui reviennent. » C’est finalement le ministère de l’Intérieur qui a tranché en janvier dernier : le CSA en garde quelques-unes, mais la majorité est réservée à la téléphonie mobile. Pour pallier l’arrivée prochaine d’un quatrième opérateur.

Marc Dizerbo
Tél. 02 98 34 12 04
dizerbo@anfr.fr
Céline Duguey

(1) GSM (Global System for Mobile Communications) est une norme de téléphonie mobile. (2) Wi-Fi (Wireless Fidelity) est un type de réseau local sans fil.
(3) UMR CNRS 6164.
(4) Homéostasie intracellulaire des protéines, UMR CNRS 6026.
(5) Biogenouest est le réseau des plates-formes en sciences du vivant (génopole) du grand Ouest.
(6) CSA : Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Maxim Zhadobov, Tél. 02 23 23 67 06
maxim.zhadobov [at] univ-rennes1.fr (maxim[dot]zhadobov[at]univ-rennes1[dot]fr)

Yves Le Dréan, Tél. 02 23 23 50 95
yves.le-drean [at] univ-rennes1.fr (yves[dot]le-drean[at]univ-rennes1[dot]fr)

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