Qu’y a-t-il dans les lacs de Titan ?
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À Rennes, un physicien a calculé la composition des lacs à la surface de la plus grande lune de Saturne.
Des lacs sans une seule goutte d’eau, impossible ? Pas sur Titan, le satellite le plus connu de Saturne. Sur cet astre, les flaques sont composées majoritairement d’hydrocarbures. En quelles proportions et avec quels autres ingrédients, c’est précisément ce que vient de calculer Daniel Cordier, chercheur à l’Institut de physique de Rennes, avec une équipe internationale(1).
« Nous avons travaillé avec les mesures effectuées début 2005 par la sonde Huygens dans l’atmosphère de Titan. Nous avons aussi utilisé des données thermodynamiques sur les éléments chimiques : température d’évaporation, de liquéfaction... » Le tout a servi à alimenter un programme informatique, écrit par ses soins, capable d’en déduire la composition des lacs titanesques ! « De l’éthane en majorité, un hydrocarbure auquel on s’attendait. Mais aussi du méthane, du propane, de l’hydrogène ainsi que de l’azote et de l’argon, un gaz dit “rare”. »
Une nouvelle source d’énergie
En 1989, une première modélisation avait été faite par une équipe française, suite au lancement de la sonde Voyager. « La composition précise de l’atmosphère de Titan était encore inconnue, explique Daniel Cordier, d’où les différences. Nous trouvons beaucoup moins d’azote et d’argon. Notre modèle mentionne aussi des cyanides. Ces composés peuvent précipiter s’ils sont dissous en trop grande quantité. Si c’est le cas, cela a un impact sur la composition des couches géologiques au fond des lacs ! » Dans les nouveautés aussi : près de 1% d’acétylène. Un taux qui éveille à lui seul bien des intérêts. Car cet hydrocarbure peut réagir avec l’hydrogène pour produire du méthane et... de l’énergie. « Nous sommes loin du Soleil, il fait moins 180°C, il n’y a pas d’énergie solaire nécessaire à la vie. Mais j’ai un collègue américain qui a proposé l’idée d’une forme de vie basée sur la consommation de l’acétylène ! »
Les calculs manquent de sel
D’ici quelques jours, le physicien saura s’il y a d’autres gaz rares, du xénon et du krypton, en quantité non négligeable. « Nous essayons aussi de comprendre quelles sont les incertitudes liées à des phénomènes inconnus. Par exemple, sur Terre, on pourrait prédire que les océans sont composés d’eau mais pas d’eau salée, car cela provient de la géologie, pas des échanges atmosphère-océan ! »
De l’autre côté de l’Atlantique, Jonathan Lunine, coauteur de cette publication, travaille sur la mission spatiale Time (Titan Mare Explorer). Si elle est acceptée par la Nasa, elle pourrait envoyer un bateau sonde voguer sur les lacs de Titan. Le décollage serait prévu pour 2015.
Daniel Cordier, Tél. 02 23 23 67 31
daniel.cordier [at] ensc-rennes.fr (daniel[dot]cordier[at]ensc-rennes[dot]fr)
(1) D. Cordier, O. Mousis, J.I. Lunine, P. Lavvas, V. Vuitton. The Astrophysical Journal Letter, 2009, 707, L128-L131. Une version preprint est disponible sur http://arxiv.org/abs/0911.1860
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