Incontournable biodiversité

N° 272 - Publié le 4 août 2014
© AFP - Antonio Scorza

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La biodiversité était et s’autorégulait. Puis une espèce a surgi, qui l’use et abuse et rend l’équilibre précaire...

Forêt impénétrable, arbres immenses, humidité, insectes disproportionnés. Cette description succincte suffit à évoquer la forêt amazonienne. Elle fait partie de notre patrimoine. « Tout comme le Sahara, la forêt, les landes bretonnes et même le saumon », souligne Paul Trehen, ancien directeur de la Station biologique de Paimpont. Les paysages, les habitats et les espèces, jusque dans leurs gènes, constituent la biodiversité remarquable. À cette valeur de patrimoine, il faut ajouter des fonctions utilitaristes.

Dans un rapport publié en 2000, Bernard Chevassus-au-Louis(1) en distingue quatre. L’auto-entretien est la première, assuré par les échanges de gènes entre populations, l’activité auto-épuratrice des sols, la  minéralisation de la  matière organique. Cette fonction est  très importante : près de 80% de l’énergie d’un écosystème peut parfois y être consacrée. La seconde est la régulation, avec les cycles de l’eau, du climat, la pullulation et l’invasion d’espèces. Ces deux fonctions sont intrinsèques à la biodiversité. De l’insertion de l’homme comme partie prenante de la biodiversité découlent les deux autres fonctions : l’approvisionnement et la dimension culturelle. La connaissance de la biodiversité a permis de mieux identifier les différentes civilisations humaines réparties sur notre planète des forêts amazoniennes aux banquises arctiques. Des zones littorales aux terres continentales les plus arides.

Les usages s’intensifient

Chasse, pêche, exploitation du bois, de certaines plantes... dans les premiers temps, les usages que l’homme fait de la biodiversité restent compatibles avec son auto-entretien et sa régulation. Mais avec l’augmentation de la population humaine et le progrès, les usages s’intensifient et se complexifient : agriculture, élevage, intensification des productions, extraction de molécules à usages divers : agronomiques, pharmaceutiques, industriels... Tout s’accélère. L’homme puise sans complexe dans la biodiversité pour s’approvisionner, mais aussi pour faire des bénéfices. Rapidement. Un rythme d’exploitation de plus en plus intensif totalement incompatible avec la lenteur des fonctions d’auto-entretien et de régulation des écosystèmes et des populations.

Disparition et colonisation

D’où l’apparition de déséquilibres. Diminution, menace de disparition ou disparition de certaines ressources pour cause de surexploitation (certaines espèces de poissons) ou de modification d’écosystèmes (déforestation, modification des aires de répartition des espèces, développement des transports) ; et aussi apparition, expansion, voire invasion par de nouvelles espèces. On parle souvent de perte de biodiversité, mais les déséquilibres vont dans les deux sens. Malika Ainouche, de l’UMR Écobio, à Rennes, en sait quelque chose. Elle étudie une nouvelle espèce de plante, la spartine, qui colonise les marais salés en Europe depuis la fin du 19e siècle (lire p.13). « Ce phénomène se passe en ce moment, sous nos yeux ! », précise-t-elle.

Pourquoi la perte de biodiversité est-elle si médiatisée ? Parce que l’homme se focalise sur les espèces qui le concernent pour son approvisionnement à court terme. « L’analyse anthropomorphique est une vision simpliste, reprend Paul Trehen. Car si on prenait en compte les microorganismes du sol, le bilan global de la biodiversité ne serait certainement pas négatif. On ne peut pas réduire la biodiversité à l’inventaire des espèces. Bien qu’elle ne soit que très rarement prise en compte, la notion de temps, d’évolution est essentielle. Car on ne peut pas reconstruire en quelques minutes ce que l’évolution a fait en plusieurs millions d’années, conclut-il. Et aujourd’hui, on n’a jamais été aussi loin dans la prise en compte du long terme. »

En attendant, la perte de biodiversité est dommageable du point de vue de la biodiversité remarquable, car il s’agit d’une perte sèche et définitive. Du point de vue des rôles fonctionnels décrits plus haut, les réponses sont plus complexes. C’est une question d’équilibre en deux tendances non maîtrisées, bien que fortement dépendantes du génie humain. L’homme sera-t-il capable de le trouver ?

 

 

Une année pour la biodiversité

2010 a été proclamée “Année internationale de la biodiversité” par l’Organisation des Nations unies (Onu). En France, un site Internet répertorie de l’information et centralise tous les projets labellisés dans ce cadre : actions, manifestations dont le but est d’expliquer les enjeux de la biodiversité et de sensibiliser le public.

Celui-ci devrait être réceptif. Car l’Année de la biodiversité arrive après 2009, qui célébra le bicentenaire de la naissance de Darwin et le cent cinquantième anniversaire de la publication de L’origine des espèces. On peut donc le supposer averti sur les questions d’évolution, de disparition et d’apparition des espèces.

Il y a quelques mois dans ces colonnes, nous vous proposions un dossier sur les travaux des chercheurs qui avaient participé à un congrès international sur la biologie évolutive, organisé par l’Université de Rennes 1 (Sciences Ouest n°267, juillet/août 2009). Vous allez découvrir ce mois-ci leurs collègues, qui abordent la biodiversité du point de vue juridique, économique, écologique et même pharmaceutique.

www.biodiversite2010.fr/
Nathalie Blanc

(1) Directeur de recherches à l’Inra, ancien président du Muséum national d’histoire naturelle (2002-2006) et membre du CCSPE (Comité de coordination des sciences de la planète et de l’environnement).

Paul Trehen
paul.trehen [at] wanadoo.fr (paul[dot]trehen[at]wanadoo[dot]fr)

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