Des inventaires au suivi des espèces
Les premiers naturalistes parcouraient le monde pour observer la nature.
C’était la grande époque des inventaires et « c’était l’originalité des observations qui faisait la renommée des hommes, note Romain Julliard, coordonnateur du programme Vigie Nature au Muséum d’histoire naturelle de Paris. Aujourd’hui les besoins ne sont plus les mêmes ; ce n’est plus la rareté, mais des indicateurs de biodiversité qui sont recherchés. Cela passe par le suivi des variations au sein d’espèces plus communes. C’est une autre façon de se poser des questions sur la nature. »
Ces observations ont commencé dès les années 60-70 dans les pays anglo-saxons. En France, le premier programme de Suivi temporel des oiseaux communs (Stoc), date de 1989. « Il traduit une certaine modernité dans la mesure où c’est le muséum qui a sollicité les naturalistes ! Mais moins d’une dizaine de chercheurs sont impliqués et complètement débordés par la quantité d’informations collectées. Cela reste modeste comparé à l’Angleterre, où 80 chercheurs du BTO(1) ne vivent que sur des données recueillies par des amateurs et se battent pour les avoir ! »
Cette différence de culture explique pourquoi la science participative, qui s’ouvre maintenant vers le grand public, est encore peu développée dans notre pays.
« Les actions que nous proposons avec Vigie Nature sont beaucoup plus simples qu’en Angleterre : il s’agit de 3 à 4 visites par an sur un site, alors que les Anglais ou les Néerlandais peuvent aller jusqu’à une vingtaine. » Les Français commencent cependant à mordre à l’hameçon : ils sont près de 4000 à avoir participé à l’opération “Papillons des jardins” en 2009 dans toute la France. Depuis deux ans, de nouveaux défis sont imaginés par des associations locales de naturalistes, notamment en Bretagne (lire article ci-contre). Et, une fois n’est pas coutume, le Suivi photographique des insectes pollinisateurs (Spipoll) lancé le 19 mai dernier par Vigie Nature est une première en Europe ! Les participants doivent établir des collections photographiques d’insectes pollinisateurs et déposer leurs photos sur Internet (voir p.18).
« Il faut miser sur le plaisir et l’intérêt des gens à participer », conclut Romain Julliard. Il y a déjà 1 500 inscrits.
Un naturaliste breton méconnu
René Desfontaines est un de ces “vrais” premiers naturalistes, à l’ancienne. Né au Tremblay (à 20km de Fougères) en 1750, ce docteur en médecine entre à l’Académie des sciences en 1783 comme adjoint-botaniste surnuméraire. Il entreprend alors un voyage naturaliste qui le mène de Tunis et ses environs à Alger et aux montagnes de l’Atlas. « Chaque plante que je trouvais me donnait un plaisir inexprimable : c’était pour moi une nouvelle conquête... J’ai eu le plaisir de voir, pour la première fois... un très bel oiseau qu’on appelle houbara... », écrit-il dans sa correspondance.
Une flore en quatre volumes
Le résultat de ses observations paraît en 1798 dans quatre volumes (deux de textes, deux de planches (voir ci-contre)) et le récit de son épopée en Afrique du Nord est racontée par Jos Pennec, historien des sciences, dans un article paru en 1996 dans Mémoires de la société d’histoire et d’archéologie de Bretagne(2). Méconnu en Bretagne, René Desfontaines aura pourtant entraîné plusieurs jeunes scientifiques bretons dans son sillage à Paris.
(1) BTO : British Trust for Ornithology.
(2) Les voyages scientifiques de René Louiche-Desfontaines et Auguste Bachelot de la Pylaie.
Romain Julliard
julliard [at] mnhn.fr (julliard[at]mnhn[dot]fr)
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