Je suis plus optimiste qu’avant

Portrait

N° 281 - Publié le 27 juin 2014
© Franck Betermin
L'épreuve par 7
Laurent Meijer

Chercheur en biologie cellulaire et pharmacologie

Qu’auriez-vous fait si vous n’aviez pas été chercheur ?

Moine, pour leur vue détachée sur les choses, leur retrait par rapport à l’agitation ambiante... et le fait qu’ils se posent sans doute aussi de bonnes questions. Le problème, c’est que je ne suis pas croyant !
Sinon, j’aurais aimé être paléontologue, comme mon père. C’est aussi de la recherche mais, contrairement à ma discipline, c’est une biologie figée, plus énigmatique... avec un aspect contemplatif qui m’attire.

Aujourd’hui, qu’avez-vous trouvé ?

Je ne fais plus personnellement les manipulations, mais un très beau résultat vient de tomber au laboratoire. Nous venons de trouver de nouvelles cibles pour des molécules anticancéreuses que nous développons.

Le hasard vous a-t-il déjà aidé ?

Oui, bien sûr ! Le hasard et la chance sont des partenaires majeurs en science. Mais cela ne vient pas tout seul : pour augmenter les possibilités d’en avoir, il n’y a qu’une solution, il faut travailler ! Le hasard des rencontres est aussi vital. Partager la même passion et la même vision des choses avec quelqu’un, c’est une chance formidable qui permet d’avancer beaucoup plus vite et mieux.

Qu’avez-vous perdu ?

[…] Je ne perds pas grand-chose... À part peut-être un peu de pessimisme. Vous me direz que c’est peut-être une perte de lucidité ! Mais non, je ne crois pas : je suis vraiment plus optimiste qu’avant.

Que faudrait-il mieux ne pas trouver ?

Pour moi c’est très clair : le secret de la vie éternelle. Ce serait une catastrophe mondiale. Je pense qu’il faut réussir à améliorer la vie sans trop la prolonger.

Quelle est la découverte qui changerait votre vie ?

Une molécule mise sur le marché pour traiter la maladie d’Alzheimer, pour le côté business [NDLR : Laurent Meijer a créé l’entreprise ManRos Therapeutics] mais surtout pour une satisfaction profonde. Pour le côté plus utopique : quelque chose qui apporterait de l’apaisement aux gens, qui leur permettrait d’être bien dans leur peau, de ne pas avoir peur de l’avenir...

Qu’est-ce qui vous ferait douter de la rationalité ?

Les sommes que les Français dépensent dans tous les jeux de hasard, les jeux en ligne... et qui représentent l’équivalent du budget de l’Éducation nationale. C’est incroyable ! Même si on a tous besoin de jeux et d’espoirs, je me demande comment on peut s’enfoncer autant dans l’irrationnel.

Ce Roscovite a été interviewé par téléphone par Nathalie Blanc un an jour pour jour après avoir reçu le Grand Prix Émile Jungfleisch de l’Académie des sciences(1).

(1) Relire “Honoré par l’Académie des sciences” dans Sciences Ouest n°268 - septembre 2009 sur : www.espace-sciences.org/magazine

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