Le sable étale sa science
On le foule généralement sur la côte, surtout en Bretagne. Mais connaissons-nous vraiment le sable et ce qu’il raconte ?
Sur les plages, au bord de la côte, c’est là qu’il est le plus visible, notamment en Bretagne. Mais attention à l’amalgame : le sable est avant tout le résultat du processus d’altération et d’érosion d’une roche. « Contrairement à ce que l’on pense souvent, ce n’est pas uniquement la mer qui fabrique le sable. Elle ne fait que le transporter », précise Jean-Michel Schroetter, ingénieur géologue au BRGM(1) Bretagne. Il peut donc se former n’importe où, et rester terrestre !
Le sable est composé de minéraux, différents selon la nature de la roche mère. Le granite va, par exemple, donner un sable riche en quartz, micas et feldspaths, alors qu’un sable issu d’une roche volcanique sera plutôt noir et qu’un sable marin s’enrichira de débris de coquillages.
La plage a migré !
Après sa formation et selon l’endroit où il se trouve, le sable peut se voir happé par le vent, emporté par une rivière, ou balayé par les vagues... Les énergies mises en œuvre peuvent le transporter parfois très loin de son lieu d’origine. Pendant ce transport, un tri s’opère. Les grains les plus lourds sont les premiers à se déposer dans les milieux à forte énergie : une rivière ou le haut d’une plage à marée descendante. Les grains les plus fins ne se déposeront que quand l’énergie sera faible, dans un delta, un lac, ou un bassin. Ici une plage se formera dans une crique à l’abri du vent et perpendiculaire à l’orientation de celui-ci. Là, les courants emporteront tout...
Un amas de sable n’est jamais fixé définitivement. Et les dunes ne sont pas les seules à se déplacer. Les habitants de l’île de Groix peuvent en témoigner : « En moins de vingt ans, la plage des Grands-Sables a migré, commente Michel Ballèvre, géologue à l’Observatoire des sciences de l’univers de Rennes (Osur)(2) et conservateur de la réserve naturelle nationale de l’île. Le chemin construit par un village de vacances pour y accéder ne mène plus qu’à une petite bande de sable à marée basse. La plage s’est décalée vers le nord, sûrement à cause d’un changement d’orientation des vents dominants. Elle est stabilisée depuis la fin des années 2000. »
Une nomenclature des grains
Le mode de transport joue aussi sur la forme des grains. En les analysant de près, à la loupe ou même au microscope électronique à balayage, les spécialistes arrivent à réécrire l’histoire du sable et à comprendre leur dispersion. Ainsi est née une nomenclature très précise du grain de sable.
En Bretagne, la variété des sables de plage s’explique aussi bien par la grande variété des roches qui composent le sol, que par la morphologie de la côte, très découpée. Comme l’orientation des plages, des courants marins et du vent ne sont jamais les mêmes, les conditions de dépôt et d’usure des grains de sable sont partout différentes. « Contrairement à la côte atlantique qui est assez rectiligne, la Bretagne est composée de nombreuses de petites cellules hydrosédimentaires », ajoute Jean-Michel Schroetter. Cela est très visible dans les Côtes-d’Armor, par exemple : en quelques kilomètres, de Saint-Quay-Portrieux à Ploumanac’h, la couleur du sable change trois fois !
Légende
1) Des traces de sable vert à noir en baie de Saint-Brieuc.
Prélevé sur l'île de la Comtesse, face à Saint-Quay-Portrieux (ou bien à Erquy), ce sable noir est d'origine volcanique. Créé in situ, on le trouve tout en haut de la plage, au pied des roches.
2) Lie de vin à violet à Plouha.
Ce sable lie de vin est issu de grès et de schiste rouges présents sur otue l'anse de Bréhec, près de Plouha.
3) Le rose de Perros.
Le sable de la plage de Ploumanac'h est à la couleur de la célèbre côte de granit rose. Riche en feldspath, il est assez anguleux, car fabriqué in situ.
4) Poivre et sel en Finistère nord.
Les grains noirs de ce sable prélevé sur la plage de Portsall sont dus à la présence de tourmaline, monazite et ilménite que l'on retrouve dans le granite présent tout autour.
5) Blanc et plein de coquilles aux Glénan.
Sur l'archipel des Glénan, à fleur d'eau, le sable presqu'entièrement coquillé est très roulé car sans arrêt brassé par les vagues.
6) Les sables rouges de l'île de Groix.
Le rouge du sable de Groix est dû à des myriades de grenats très visibles dans la roche mère. Ce minéral étant dense, il est déposé en haut de la plage et forme des traînées originales dont la forme change à chaque marée.
7) Du blanc au sud-est de Lorient.
Ce sable de la plage de Gâvres est tr-s riche en quartz et micas (blanc et brillant), qui lui donnent sa teinte tr-s claire. L'aspect très roulé des grains montre qu'il a été transporté. Ce qui très probable dans cette zone sédimentaire, proche de l'embouchure du Blavet et du Scorff.
Prélèvements interdits !
Si ce dossier invite à la découverte, il faut quand même rappeler qu’il est normalement interdit à toute personne privée de prélever des roches et du sable pour son usage propre(3). Alors plutôt que de le mettre en flacon, laissez errer vos yeux, vos mains et vos pieds : ils n’auront jamais les mêmes sensations. Car il n’existe pas deux sables parfaitement identiques, mais des tas !
Les faces cachées du sable
Le sable est une roche meuble, composée d’éléments d’origines diverses (minéraux, fragments de roches, d’êtres vivants...), dont la taille est comprise entre 0,06 et 2mm. En Bretagne, le sable pliocène (nommé ainsi en référence à la période de son dépôt, le pliocène, qui se situe entre 5,3 millions et 1,8 million d’années) est très homogène : la taille, la nature et la forme bien arrondie de ses grains en font un matériau de qualité recherché pour la construction. Mais il existe une infinité de variétés de sables (lire ci-contre).
Le sable peut aussi prendre d’autres formes. L’arène désigne ainsi un sable très anguleux car encore très proche de sa source. Il n’a pas été transporté, ni érodé. Le grès contient du sable dont les grains ont été liés par un ciment. L’origine des grains et du ciment donnent des grès de couleurs et de natures très différentes. En s’altérant, les grès retournent à l’état de sable et recommencent un cycle de sédimentation.
L’argile et le limon s’apparentent à du sable : ils sont composés d’éléments. Mais leur granulométrie nettement plus fine ne leur permet pas de rentrer dans cette catégorie.
(1) BRGM : Bureau de recherche géologique et minière.
(2) http://osur.univ-rennes1.fr.
(3) Le Domaine public maritime (DPM) est régi par la loi du 28 novembre 1963 qui stipule que le DPM est inaliénable : personne ne peut se l’approprier pour son usage propre ; nul ne peut prélever du sable qui appartient à tout le monde.
Jean-Michel Schroetter - Tél. 02 99 84 26 72
jm.schroetter [at] brgm.fr (jm[dot]schroetter[at]brgm[dot]fr)
Michel Ballèvre - Tél. 02 23 23 60 79
michel.ballevre [at] univ-rennes1.fr (michel[dot]ballevre[at]univ-rennes1[dot]fr)
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