Climat : l’urgence même en Bretagne

N° 298 - Publié le 11 mai 2012
© AFP PHOTO - FRED TANNEAU
Novembre 2011 : à cause du manque de pluie, le lac Drennec, près de Sizun (Finistère), atteint un de ses niveaux les plus bas... Une situation qui va devenir plus courante ?

Pour mieux s’adapter au changement climatique en cours, les scientifiques modélisent le climat futur à l’échelle locale.

Nous y sommes. Les courbes des températures moyennes, mesurées depuis le début du 20e siècle, commencent à monter doucement mais sûrement. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le fameux Giec, l’avait d’ailleurs affirmé dans son dernier rapport, publié en novembre 2007 : le changement climatique est bel et bien là. Même si la météo actuelle laisse à penser le contraire ! En Bretagne comme en France, Météo France a observé une augmentation de l’ordre de un degré sur un demi-siècle des moyennes de températures. Et si l’on s’est longtemps concentré sur le réchauffement, il faut bien aujourd’hui parler d’un véritable changement général, avec toutes ses conséquences sur les ressources en eau, la montée du niveau de la mer, la fonte des glaces, la variation des courants océaniques et atmosphériques. Et sur les activités qui en dépendent !

L’heure est à l’adaptation

Comme pour convaincre les plus sceptiques, la possibilité d’atténuer ce changement pour les prochaines décennies, encore envisagée dans ce rapport de 2007, n’est plus à l’ordre du jour. « Même si on arrêtait toutes les activités aujourd’hui, l’océan a emmagasiné suffisamment de chaleur pour rendre inévitable le réchauffement dans les prochaines années », assure David Goutx, en charge des études et développements à la direction interrégionale Ouest de Météo France, à Saint-Jacques-de-la-Lande. Et si les politiques d’atténuation ont encore leur rôle à jouer, pour diminuer les consommations d’énergies fossiles et les émissions de gaz à effet de serre, l’adaptation est devenue incontournable. Le prochain rapport du Giec, qui doit être publié en 2013 (lire encadré ci-dessous) devrait confirmer cette tendance.

Des trois scénarios retenus du précédent rapport, le plus optimiste (B1) a vite été abandonné. Le scénario médian (A1B) tablait sur une croissance rapide de la population compensée par un équilibre entre les énergies fossiles et les autres (nucléaire et renouvelables) et l’émergence de nouvelles technologies plus efficaces. Longtemps considéré comme le plus probable, il a servi de base à de nombreux projets de recherche mais est en passe d’être définitivement écarté. Et le plus pessimiste (A2) décrivait l’évolution de la situation sans véritable changement de comportement, avec une forte croissance démographique et le développement économique des pays émergents. C’est celui qui s’avère le plus probable aujourd’hui.

Changer d’échelle

Jusqu’ici, les modèles donnaient de grandes tendances, à l’échelle de la planète. « Mais pour les plans d’adaptation, nous aurons besoin de données plus locales. » Météo France a travaillé au changement d’échelle de son modèle Arpège pour alimenter un rapport remis à la Région Bretagne en avril, dans le cadre du Schéma régional climat air énergie (SRCAE - adopté par chaque région dans le sillage du Grenelle de l’environnement de 2007). « Arpège fonctionne à une échelle de 50km, explique Franck Baraer, qui a dirigé ce rapport. Pour avoir des données plus locales, nous utilisons la répartition actuelle du climat. Par exemple, nous savons qu’il pleut plus sur les monts d’Arrée qu’à Saint-Brieuc. Puis nous reportons les variations de températures et de précipitations envisagées par Arpège sur quelques points à l’ensemble du territoire, en respectant cette répartition. » Cela suppose qu’elle reste la même avec le changement climatique. « Pour chaque paramètre : pluie, température, insolation... nous obtenons des modélisations aux horizons 2030, 2050 et 2080, pour chacun des scénarios B1, A1B et A2. »

Plus de données, plus d’incertitudes

Pour le scénario médian et plus encore pour le A2, les températures grimpent : jusqu’à +2°C les après-midi d’été à l’horizon 2030 et +4°C d’ici 2080 ! « Les événements exceptionnels comme les canicules de 1976 ou 2003 devraient devenir courants en été. » Avec toutes les conséquences que cela implique au niveau économique, notamment pour le secteur de l’agriculture. Arpège prédit également une diminution drastique des précipitations. Mais sur ce point, les choses sont plus incertaines. Finalisé en décembre dernier, le projet Scampei, qui compare plusieurs modèles, met en avant la difficulté d’obtenir des projections locales. Cette nouvelle donne a déjà été intégrée dans des travaux sur l’avenir des forêts, réalisés par le Conservatoire national de la biodiversité forestière de Guémené-Penfao.

Le danger viendra de la mer

En attendant de connaître le sort qui lui sera réservé, la Bretagne se prépare depuis plusieurs années à faire face. Le rapport de Météo France ainsi qu’un second établi par le Conseil scientifique de l’environnement de Bretagne, commandés par le Conseil régional, serviront de lignes directrices pour les Plans climat énergie territoire, qui doivent prendre en compte, au niveau local, les orientations du SRCAE. La ville de Rennes avait déjà mis en place des mesures avant même d’adopter ce plan, obligatoire pour les agglomérations de plus de 50 000 habitants. Elles sont aujourd’hui 34 en Bretagne. Et les géographes du Costel étudient de près le cocktail changement climatique-urbanisation. Quant aux côtes, véritable signe distinctif de la région, elles sont aussi l’objet de beaucoup d’attention. Comme dans le Morbihan où chercheurs et acteurs imaginent ensemble de nouvelles façons de gérer ces milieux particuliers. « C’est sûrement de la mer que vient le principal danger en Bretagne, analyse Franck Baraer, si le niveau de la mer monte ne serait-ce que de quelques centimètres, une tempête comme celle que la région a connue le 15 octobre 1987 pourrait submerger certaines portions du littoral et faire beaucoup de dégâts, si elle se reproduit en période de grande marée. » Et même si aucun élément concret ne peut laisser penser que les événements exceptionnels, comme les tempêtes et les inondations, se multiplieront (leur fréquence n’a pas augmenté depuis le début du 20e siècle), mieux vaut se préparer, pour s’adapter aux changements qui nous attendent.

Le GIEC prépare son prochain rapport

En février, la communauté climatique française, qui réunit l’ensemble des scientifiques travaillant sur le sujet, a mis à disposition de la communauté internationale de nouvelles simulations du climat mondial passé et futur. Comme en 2007, ces simulations envisagent une augmentation des températures, entre +2° et +5° à l’horizon 2100 selon les politiques adoptées au niveau mondial.

Ces nouvelles données alimenteront, avec celles d’autres États, les réflexions du Giec, pour la rédaction de son nouveau rapport qui paraîtra en septembre 2013. Comme les précédents, il envisagera l’évolution des émissions de gaz à effet de serre en se basant notamment sur différentes hypothèses de gestion politique, et proposera différents scénarios, plus ou moins probables.

www.insu.cnrs.fr/environnement/climat-changement-climatique/changement-climatique-les-nouvelles-simulations-francaise
Céline Duguey

David Goutx Tél. 02 99 65 22 31
david.goutx [at] meteo.fr (david[dot]goutx[at]meteo[dot]fr)

Franck Baraer
Franck.baraer [at] meteo.fr (Franck[dot]baraer[at]meteo[dot]fr)

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