Les forêts, premières victimes

N° 298 - Publié le 11 mai 2012
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Le hêtre est l'une des espèces les plus menacées par le changement climatique. Son aire de répartition en France pourrait être ainsi réduite d'ici à 2100 au seul quart nord-est et aux régions de montagne.

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Des scientifiques élaborent des plans de sauvetage des forêts bretonnes selon des modèles différents.

D’après les modèles climatiques les plus plausibles, d’ici à 2050, la Bretagne pourrait voir sa température moyenne s’élever de 2°C à 6°C. « Si ces scénarios s’accordent sur une telle hausse de la température, ils divergent néanmoins en termes de pluviométrie, a constaté Hervé Le Bouler, responsable du Conservatoire national de la biodiversité forestière de Guémené-Penfao au vu des résultats du projet Scampei. Le climat prédit dans l’est breton pourrait ainsi s’apparenter à celui de Bayonne, de Toulouse ou encore de Toulon sans que l’on puisse aujourd’hui en dire plus sur la probabilité de l’un ou l’autre des scénarios. »

Mourra ? Mourra pas ?

Quelles pourraient être les conséquences de tels changements ? Si la question se pose à moyen terme pour l’ensemble des activités humaines, elle concerne dès aujourd’hui les forestiers. « Contrairement aux agriculteurs qui seront en mesure d’adapter rapidement leurs cultures au changement de climat annoncé, les forestiers doivent décider maintenant quelles espèces il convient de cultiver pour une récolte dans cent ans », alerte Hervé Le Bouler. Investi dans divers projets d’étude du changement climatique, dont le projet ForeStClim, il cherche ainsi à anticiper les besoins futurs des forestiers. « En nous appuyant sur les cartes de répartition des végétaux du territoire que nous avons établies, sur nos connaissances des conditions limites de vie des espèces présentes et sur les modèles d’évolution climatique, nous savons, par exemple, que les chênes pédonculés, les pins maritimes et les châtaigniers, des espèces qui représentent plus de 70% des essences qui peuplent aujourd’hui nos forêts bretonnes seraient, à titres divers (manque d’eau, risques d’incendies ou problèmes sanitaires), en péril sous un climat chaud et sec de type toulonnais. » En revanche, celles-ci ne seraient pas menacées mais plutôt favorisées dans un climat plus humide comme à Bayonne.

Une situation d’urgence

Face à ces incertitudes climatiques, doit-on laisser faire la nature dans la crainte d’un déboisement massif et du retour à un paysage uniforme de lande ou procéder à une migration assistée des essences du Sud vers le Nord ? Cette dernière alternative fait déjà l’objet de deux projets scientifiques Nomades(1) et Giono(2). Le premier consiste à réfléchir à l’introduction progressive d’essences de la région méditerranéenne sur notre territoire afin de voir si, au fil des générations, les nouvelles populations génétiquement brassées résistent davantage au stress hydrique. Quant au second, Giono, il a débuté récemment par une opération de récolte de graines dans une vingtaine de forêts parmi les plus menacées du sud de la France. Aujourd’hui élevés dans la pépinière de Guémené-Penfao, ces spécimens seront plantés d’ici deux à trois ans plus au nord. « Nous pourrons ainsi évaluer leur résistance, leur capacité d’adaptation mais aussi les risques d’invasion ou de déstabilisation de la biodiversité locale afin d’offrir aux forestiers du futur des réponses pour cultiver sur le territoire les espèces les mieux acclimatées », prévoit Hervé Le Bouler avant d’ajouter prudemment que : « de telles réponses technico-scientifiques au changement climatique ne pourront être efficaces à grande échelle que si chacun prend urgemment conscience des enjeux de la préservation de la forêt, certainement l’un des écosystèmes les plus utiles à l’homme. »

Julie Danet

(1)Nouvelle méthode d’acclimatation des essences. Projet financé par l’État et porté par des consortiums scientifiques et techniques des acteurs français de la forêt (ONF, Inra, forêts privées...).

 (2)En référence à la nouvelle de Jean Giono, L’homme qui plantait des arbres - projet financé et porté par l’ONF.

Hervé Le Bouler Tél. 02 40 79 24 45
herve.le-bouler [at] agriculture.gouv.fr (herve[dot]le-bouler[at]agriculture[dot]gouv[dot]fr)

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