Ils allument et éteignent les antennes

N° 302 - Publié le 5 octobre 2012
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Avec l'aide de ces petites cellules femto actives (en jaune), des macrocellules allumées (en bleu) compensent la couverture de leurs voisines éteintes (en vert).

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Pour diminuer la facture énergétique des réseaux, des chercheurs veulent faire coopérer les antennes relais.

Elles consomment autant que l’aéronautique, et ça n’est pas près de s’arrêter ! « Aujourd’hui les télécommunications représentent 2 à 3 % de la consommation d’énergie mondiale, explique Loutfi Nuaymi, maître de conférences dans l’équipe RSM(1) à Télécom Bretagne Rennes, et même s’il y a eu des progrès depuis quelques années, il faut anticiper l’augmentation des débits, déjà en cours et qui ne devrait pas s’arrêter de si tôt ! » D’autant plus que l’affaiblissement des ressources énergétiques, les efforts requis pour diminuer nos émissions de CO2 et - surtout - les prix qui augmentent, motivent les opérateurs !

Des antennes voraces

Sur le podium des postes les plus énergivores d’un réseau, on retrouve les terminaux : téléphones, smartphones, tablettes, ordinateurs... qu’il faut recharger régulièrement. Il y a aussi les équipements électroniques du réseau indispensables pour traiter l’information, l’amplifier, l’aiguiller : routeurs, modulateurs et consorts. Mais les plus voraces sont les antennes relais. Celles qui “arrosent” autour d’elles, chacune couvrant une “cellule”. « Nous concentrons nos efforts sur ces dernières depuis quatre ans, précise le chercheur, le principe, c’est de les faire coopérer, afin de pouvoir en éteindre certaines lorsque le trafic baisse. Mais on ne peut pas pour autant laisser une zone sans aucune couverture, le service doit être continu. » Ce sont les antennes d’à côté qui peuvent alors prendre le relais, en augmentant temporairement la puissance de leur signal - cela consomme toujours moins qu’une antenne de plus. Le périmètre des cellules correspondantes augmente, puis revient à la normale, en fonction de la demande et de l’état de leurs voisines : elles respirent !

Éviter les ratés

Inventé pour d’autres applications de télécommunications, ce concept de respiration des cellules pourrait avoir du succès dans les années à venir, avec l’arrivée du très haut débit, le LTE (lire p.10-11). « Dans le système LTE, les antennes peuvent s’envoyer des messages, ce qui n’est pas le cas des réseaux mobiles utilisés actuellement. » Il sera possible d’implémenter un système dynamique, où chaque antenne décide si elle doit prendre une pause en fonction du trafic et des informations transmises par ses voisines. « Dans l’équipe, nous optimisons les algorithmes pour que cette respiration s’organise sans ratés, complète Loutfi Nuaymi, il ne faudrait pas que plusieurs antennes proches s’éteignent en même temps ! » Les chercheurs intègrent aussi à leurs calculs les femto-cellules, une technologie qui fait son entrée sur le marché : « L’idée, c’est de transformer le point d’accès de la maison en cellule miniature. D’utiliser les box pour créer, en plus du réseau Wi-Fi, un réseau 3G (ou bientôt LTE) domestique. Cela permettrait de basculer de la couverture publique à votre cellule locale dès lors que vous rentrez chez vous. » Cela éviterait surtout d’avoir à trop augmenter la puissance d’émission pour garantir le service continu.

Ne pas dépasser les limites

Pour pimenter un peu leurs travaux, Loutfi Nuaymi et ses collègues ont prévu de prendre en compte une autre contrainte, de taille : c’est la puissance du signal émis par le téléphone de l’utilisateur. Car même si elle augmente son signal, une antenne plus lointaine reste plus difficile à atteindre par un téléphone. « Cela demande au mobile d’émettre un signal plus fort également. Or il faut être sûr de ne pas dépasser les limites légales de champ électromagnétique. Pour l’instant nous faisons des estimations sur des modèles, que nous comparons aux normes en vigueur. » Même si ce sujet de recherche séduit de plus en plus - une thèse est en cours et une seconde vient de débuter -, les cellules des télécommunications devraient continuer à fonctionner en apnée encore quelques années.

Des économies très théoriques

Maître de conférences à l'Insa de Rennes, Jean-Yves Boudais(2) aborde les économies d'énergie dans les télécommunications sous un angle très précis : il ne s'intéresse qu'à l'énergie consommée pendant une transmission d'informations, sans prendre en compte la consommation liée aux technologies (émetteur, récepteur, routeur...). "Et comme c'est un problème à plusieurs dimensions, j'ai décidé de ne pas mettre de contrainte sur le temps, c'est-à-dire le débit, précise-t-il. J'ai donc calculé la limite théorique de consommation d'énergie d'une transmission qui prendrait un temps infini." Ainsi, dans une transmission Wimax, la consommation peut être divisée par 100 pour un temps de communication multiplié par 3 !
Ceci est bien sûr très loin de la réalité. C'est un premier pas vers un calcul qui  intégrerait tous les paramètres de la chaîne, de la fabrication du matériel à son recyclage...

NATHALIE BLANC
Jean-Yves Baudais Tél. 02 23 23 87 28
jean-yves.baudais@insa-rennes.fr
CÉLINE DUGUEY

(1)RSM : Réseaux, sécurité et multimédia.
(2) Jean-Yves Baudais est un chercheur CNRS affecté à l'IETR (Institut d'électronique et de télécommunications de Rennes) et hébergé par l'Insa (Institut national des sciences appliquées) "D'après l'équation de Shannon qui lie ces deux paramètres.

Loutfi Nuaymi Tél. 02 99 12 70 44
loutfi.nuaymi [at] telecom-bretagne.eu (loutfi[dot]nuaymi[at]telecom-bretagne[dot]eu)

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