« Je redonne la vie à des espèces perdues depuis des millions d’années. »

Portrait

N° 306 - Publié le 1 février 2013
© Brigitte Eymann - Académie des sciences
L'épreuve par 7
Philippe Taquet

Président de l’Académie des sciences

Qu’auriez-vous fait si vous n’aviez pas été chercheur ?

Bernard Pivot m’avait déjà posé cette question et j’avais répondu : sûrement pas figurant dans le film Jurassic Park ! Mais j’aurais été naturaliste. L’étude de la nature m’a toujours intéressé.

Aujourd’hui, qu’avez-vous trouvé ?

Aujourd’hui, j’ai trouvé sept ou huit genres de dinosaures nouveaux pour la science, comme les dinosaures mangeurs de poissons. J’ai aussi découvert le plus gros crocodile du monde, un monstre incroyable de onze mètres de long qui vivait à l’époque des dinosaures. Et grâce à mes fossiles, j’ai daté un peu l’ouverture de l’océan Atlantique. Bref, j’ai découvert toutes sortes de choses, quelquefois totalement inattendues. C’est ce qui fait le plaisir du paléontologue.

Le hasard vous a-t-il déjà aidé ?

Oui, énormément. Notamment lorsque j’ai été appelé pour la première fois à aller en Afrique pour expertiser quelques ossements fossiles..., dans un site qui s’est avéré être le plus grand gisement de dinosaures d’Afrique !

Qu’avez-vous perdu ?

Des paires de lunettes de temps en temps sur les sites... Mais sinon je n’ai pas perdu grand-chose, au contraire je retrouve plutôt que je ne perds : je redonne la vie à des espèces perdues depuis des millions d’années.

Que faudrait-il mieux ne pas trouver ?

Quand on cherche des fossiles sur le terrain, sous les pierres, il vaut mieux ne pas trouver des vipères à cornes ou des scorpions.

Quelle est la découverte qui changerait votre vie ?

Ce serait de trouver un bon fossile qui vienne appuyer la filiation des dinosaures avec les oiseaux, car ceux que l’on a sont déjà assez évolués. J’aimerais bien en trouver un plus ancien, plus proche de la séparation des petits dinosaures carnivores, lorsqu’ils deviennent oiseaux. Car on est maintenant sûr que les oiseaux descendent des dinosaures, on sait de quelle façon ils se sont transformés, mais on peut encore trouver des maillons qui viendraient compléter la chaîne.

Qu’est-ce qui vous ferait douter de la rationalité ?

Rien ne me fait douter de la rationalité. Mais il faut distinguer le domaine rationnel, comme la physique, du domaine de la métaphysique qui est de l’ordre de la foi ou de la croyance. Souvent, les gens doutent parce qu’ils mélangent les deux.

Le célèbre paléontologue et président de l’Académie des sciences a été interviewé à Rennes par Nicolas Guillas, lors de sa venue pour la célébration du Grand Prix de l’information scientifique remis par l’Académie à Michel Cabaret.

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