Climat : une algue menacée de disparition

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N° 311 - Publié le 16 juillet 2013
© CHRISTOPHE DESTOMBE - STATION BIOLOGIQUE DE ROSCOFF
Paysage familier des côtes bretonnes... pour combien de temps?

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Des chercheurs viennent de mettre en évidence un risque de disparition d’une algue brune des côtes bretonnes, lié au réchauffement climatique.

Les Japonais l’ont baptisée “l’algue du bonheur”. L’algue brune Laminaria digitata est récoltée depuis longtemps pour ses vertus nutritives et thérapeutiques. Les industriels utilisent ses alginates comme additifs (E400 à E405) pour donner une texture onctueuse à leurs préparations alimentaires. Les établissements de balnéothérapie et de thalassothérapie s’en servent pour réaliser des enveloppements corporels.

Près de 40 à 60000 tonnes sont récoltées chaque année en France, essentiellement en Bretagne. 

Cette algue précieuse pourrait pourtant disparaître de nos côtes d’ici à 2050. Des scientifiques de l’équipe Biodiversité et climat du Laboratoire d’océanologie et de géosciences(1) de Wimereux (près de Lille), en collaboration avec des chercheurs de l’équipe Adaptation et diversité en milieu marin de la Station biologique de Roscoff(2), viennent en effet de mettre en évidence, pour la première fois, que la distribution de cette espèce pourrait être largement modifiée au cours du 21e siècle. Leur étude, publiée en juin dernier dans la revue scientifique Plos One(3), montre un déplacement attendu vers le nord de l’Europe de son habitat favorable et un retrait de sa limite sud, en lien avec le réchauffement des eaux. Cependant, l’ampleur du phénomène varie avec l’intensité du réchauffement.

Avec tout l’écosystème

« Si cette population diminue, toute une biodiversité marine associée à cette algue se trouvera touchée. Les champs de laminaires servent d’habitat à de nombreuses espèces animales et végétales », explique Dominique Davoult, co-auteur de cette étude. Les chercheurs ont appliqué à Laminaria digitata un modèle de niche écologique(4), un concept théorique de l’écologie né au 20e siècle. « Il s’agissait de combiner l’ensemble des conditions nécessaires à la présence de cette espèce - profondeur, température, salinité, substrat, lumière -. Mais plus on croise de paramètres, plus il faut de calculs pour les combiner. Nous pouvons désormais les concrétiser grâce aux progrès de l’informatique », souligne l’enseignant-chercheur.

Un déclin probable

De la France à la Norvège, les deux équipes ont donc compilé les données existantes et les ont couplées aux différents scénarios du réchauffement climatique du Giec(5). Les résultats ? Un déclin probable de cette algue brune au cours des prochaines années, des côtes françaises jusqu’au Danemark, allant jusqu’à une quasi-disparition des populations à l’horizon 2050-2059. « Le principal facteur de changement, c’est l’intensité du réchauffement. La diminution de la population pourrait être plus modérée si le réchauffement l’est aussi. Malheureusement, les prévisions les plus pessimistes du Giec deviennent, année après année, une réalité », ajoute Dominique Davoult. Une “bulle froide”, du Conquet jusqu’à la baie de Lannion, “résiste” au réchauffement climatique. Mais pour combien de temps encore ? Dès que la température de l’eau dépasse 17 °C, Laminaria digitata ne se reproduit plus.

Raphaël Baldos

(1)LOG, UMR 8187.

(2)UMR 7144.

(3) http://dx.plos. org/10.1371/journal.pone.0066044.

(4)La niche écologique a plusieurs définitions en écologie. On utilise ici celle d’Hutchinson (1957) : la niche écologique représente l’ensemble des conditions environnementales, biotiques et abiotiques, nécessaires à la viabilité d’une espèce.

(5)Giec : Groupe d’experts  intergouvernemental sur l’évolution du climat.

dominique.davoult [at] sb-roscoff.fr (dominique[dot]davoult[at]sb-roscoff[dot]fr)

virginie.raybaud [at] univ-lille1.fr (virginie[dot]raybaud[at]univ-lille1[dot]fr)

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