En recherche, il ne faut pas que des bons élèves.
Portrait
Chercheuse en cancérologie
Agricultrice. Ma sœur avait un élevage laitier dans les Ardennes et je voulais entrer dans le Gaec familial, mais cela ne s’est pas fait. J’ai donc continué mes études : après mon DEA, j’ai fait une thèse à l’Institut Pasteur de Lille, puis j’ai passé avec succès le concours de l’Inserm(1). Aujourd’hui à Rennes, je travaille sur les mécanismes de signalisation des cellules cancéreuses(2).
Après trente ans de carrière, j’ai trouvé qu’on ne peut pas tout résoudre avec des cellules et des pipettes ! Il existe aujourd’hui des verrous liés à la complexité du vivant que seules l’informatique et les mathématiques peuvent faire sauter. Et c’est vers cette biologie des systèmes que je me reconvertis actuellement, en lien avec des équipes de l’Irisa(3).
Je pense qu’il n’y a pas de hasard, ni de chance, mais que l’on se donne soi-même la possibilité de les croiser. L’important, c’est d’avoir l’esprit libre, surtout en recherche.
On ne peut pas dire que j’ai perdu la foi dans mon métier, mais je relativise beaucoup plus. Nous ne sommes qu’un maillon de la chaîne.
Rien. Je pense qu’il faut faire des découvertes sur les êtres humains, les choses, les mécanismes... Trouver est essentiel. Sans découvertes, la vie serait fade !
Je ne crois pas qu’un fait de recherche puisse changer ma vie. Mais des êtres humains ou des rencontres, ça, oui !
Je ne doute pas de la rationalité mais je ne m’en sers pas pour vivre. Aujourd’hui, la rationalité tue la recherche. Dans ce domaine, il ne faut pas que des bons élèves ou des gens bien formatés, il en faut aussi des turbulents, des créatifs... Et là, je dis : vive l’université(4) ! Qui est un vrai bain de créativité.
(1)Institut national de la santé et de la recherche médicale. (2)À l’Institut de recherche santé environnement et travail (Irset)-Inserm U1085. (3)Institut de recherche en informatique et systèmes aléatoires (Université de Rennes 1, Insa Rennes, Inria, ENS Cachan, Télécom Bretagne, UBS, CNRS). (4)Nathalie Théret est aussi directrice de l’école doctorale Vie, agro, santé, portée conjointement par l’Université de Rennes 1, Agrocampus Ouest et l’Université Rennes 2.
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du magazine Sciences Ouest