Compétition pour la terre

N° 329 - Publié le 5 mars 2015
© Michel Meuret / AFP
Le foncier agricole est gagné de toutes parts par l'urbanisation comme ici dans le Vaucluse.

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À la périphérie des villes, l’agriculture, les entreprises et l’habitat se partagent le sol, une ressource rare et prisée.

En France, une cinquantaine de milliers d’hectares de terres agricoles disparaissent chaque année. Selon les données statistiques produites par le ministère de l’Agriculture(1), un tiers de ces sols regagnent la nature : landes, taillis, friches, garigues..., soit 20 % de moins que dans les années 1980. Les deux tiers restants, situés à la périphérie des villes, sont affectés à l’urbanisation. « Ce changement d’usage est une perte pour l’agriculture, explique Jean Cavailhès, économiste de l’Inra de Dijon qui présentait une conférence sur le sujet lors du Salon international de l’agriculture à Paris, le 24 février dernier. Mais il représente une grosse plus-value financière pour les propriétaires, car un sol urbain se vend beaucoup plus cher qu’une terre agricole... » et bien moins cher qu’un terrain situé en plein centre-ville, où les prix se sont multipliés par sept à huit depuis 2000. Cette nouvelle périurbanisation est donc aussi très avantageuse pour les ménages. Elle offre, en plus, un cadre de vie agréable entouré de campagne et éloigné de l’agitation du centre.

« Cela dit, l’habitat ne représente que le tiers de ce changement d’usage des sols vers l’urbanisation. Le reste est attribué aux voies de communication, mais surtout aux secteurs économiques secondaire et tertiaire, qui occupent une part de plus en plus importante depuis les années 1980. » Ces nouvelles entreprises périurbaines concernent même la majorité des emplois créés entre 2006 et 2011. « Dans certaines régions, elles entrent en compétition avec l’agriculture et l’habitat mais d’un autre côté, il faut bien repousser le chômage, c’est tout le paradoxe ! » Dans le Sud, par exemple, les maisons sont éparpillées et les champs s’insèrent entre elles. Lorsque des infrastructures périurbaines se développent, elles grignotent donc les terres agricoles. En revanche, dans l’Est, les habitations sont groupées et les dents creuses, ces espaces non construits entourés de parcelles bâties, suffisent pour densifier l’urbanisation. Les ménages et les entreprises peuvent alors cohabiter, à condition que les zones d’activités soient physiquement bien séparées. « Le jeu est gagnant/ gagnant : les emplois créés sont pourvus par des gens qui vivent sur place. »

Un changement radical

Ces problématiques étaient abordées les 14 et 15 octobre derniers à Rennes, lors du colloque Devenir métropole soutenable, à Agrocampus Ouest(2). Parmi les intervenants, des agriculteurs venaient témoigner de leur expérience. L’un d’eux, installé en Gaec, avait vu 20 ha de son exploitation rachetés pour l’installation d’un golf et de 180 maisons. « Ces terres étaient des zones de pâture, explique-t-il. Pour conserver nos revenus, nous avons dû intensifier notre mode d’exploitation, les vaches mangent plus de conserves. » Un de ses collègues, maraîcher depuis 1992, a opté pour un changement radical : « Mes parents faisait de l’élevage, mais l’exploitation a été coupée en deux par une quatre-voies. En dix ans j’ai perdu un tiers de mes terres. » Aujourd’hui il fait du maraîchage en agriculture biologique. Et profite de son emplacement en lisière de ville ! « 98 % de mes productions sont vendues à Rennes Métropole. » Si l’extension de la ville et l’artificialisation des terres les ont obligés à changer de pratiques, les agriculteurs venus témoigner ne voudraient pas échanger leur place : « La relation avec les urbains, l’accès à la culture est très enrichissant. » Même s’il est parfois un peu triste de voir que les meilleures terres finissent en parking.

Klervi L'Hostis / Céline Duguey

(1) Enquête Teruti-Lucas entre 2006 et 2010.

(2) Colloque organisé par l’Académie d’agriculture de France avec le soutien de Rennes Métropole.

Jean Cavailhès
Tél. 03 80 69 30 00
jean.cavailhes [at] dijon.inra.fr (jean[dot]cavailhes[at]dijon[dot]inra[dot]fr)

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