«Les plus grandes découvertes ont été faites par les plus grands fous.»

Portrait

N° 343 - Publié le 23 juin 2016
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L'épreuve par 7
Colomban de Vargas

Directeur de recherche CNRS, spécialiste de l’écologie et l’évolution du plancton marin.

Qu’auriez-vous fait si vous n’aviez pas été chercheur ?

J’ai souvent hésité entre la recherche et l’art. À la fin de mon master, j’ai failli tout arrêter pour me lancer dans la musique et puis je ne l’ai pas fait... Sinon, le métier d’instituteur m’a toujours obsédé. Cela devrait être le travail le mieux payé au monde !

Aujourd’hui, qu’avez-vous trouvé ?

Mon jardin d’Éden ! Ce n’est pas une découverte personnelle mais j’y ai beaucoup participé : au cours des dix dernières années, on a révélé un monde merveilleux jusque-là peu connu, et qui est pourtant le plus riche en biodiversité sur notre jeune planète : l’univers des protistes. Ces organismes unicellulaires extraordinaires ont créé les membranes actives et sont devenus très complexes. Ils ont inventé : le manger, le sexe, la mort, la symbiose... et même l’art ! Cela prendra un temps fou pour tout chercher. Et moi, j’en ai pris pour le reste de ma vie !

Le hasard vous a-t-il déjà aidé ?

Oui, car la science n’est faite que de hasard, de rencontres, de sérendipité. Malgré tous les programmes de recherche que l’on peut écrire, la fin n’est jamais celle que l’on a prévue.

Qu’avez-vous perdu ?

Une fois ma date d’anniversaire et ma tête plusieurs fois par jour !

Que faudrait-il mieux ne pas trouver ?

En science, je pense qu’il faut tout trouver, tout dévoiler. Après, bien sûr, il y a les questions d’éthique... Sinon, j’aimerais ne pas trouver dans 20 ans que mes enfants ont manqué de père.

Quelle est la découverte qui changerait votre vie ?

J’attends l’outil qui permettrait de faire sortir nos idées plus facilement pour pouvoir les partager instantanément. Des sortes de neuroprothèses qui remplaceraient... l’e-mail ! Écrire des e-mails est l’activité de loin la plus répandue chez les chercheurs aujourd’hui. Au final, ça isole beaucoup. On devrait imposer aux chercheurs trois après-midi par semaine de brainstorming au bistro : on avancerait bien plus vite !

Qu’est-ce qui vous ferait douter de la rationalité ?

La rationalité ? Je ne sais même pas ce que cela veut dire, le métier de chercheur, c’est voir le monde de travers, à l’envers, dévoiler le plus irrationnel. Les plus grandes découvertes ont été faites par les plus grands fous. Après avoir goûté à ce grand vertige, il est très difficile de revenir en arrière !

Interviewé par téléphone depuis Roscoff, juste après une séance de jogging, à la pause déjeuner.

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