La fourmi à une corne
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Découvert sur un gisement d’ambre en Birmanie, le fossile d’une fourmi inconnue est étudié par un Rennais.
Piégé dans de l’ambre, une résine fossile connue pour être solide et non friable, le spécimen est très bien conservé. Il date du crétacé (99 millions d’années), une époque qui fascine Vincent Perrichot, paléontologue au laboratoire Géosciences Rennes(1) : « C’est une période de transition dans l’évolution des insectes, qui correspondrait à la disparition des lignées anciennes vieilles de 120 millions d’années, et l’apparition des lignées actuelles », dit-il.
La fourmi découverte mesure un centimètre de long. C’est un minéralogiste allemand qui en a fait l’acquisition en 2014 auprès de mineurs birmans. « Il a pour habitude de me contacter quand il trouve un spécimen curieux, raconte Vincent Perrichot. Sur les photos qu’il m’a envoyées, j’ai repéré cette corne sur le front qui se termine en forme de spatule. Personne n’avait vu ça auparavant. Un collègue chinois, Bo Wang, de l’Institut de paléontologie de Nanjing, avec qui je collabore depuis quatre ans, a racheté le spécimen pour que l’on puisse l’étudier(2).»
En plus de cette corne unique, d’où son surnom de “fourmi licorne”, ses deux mandibules sont gigantesques. Elles ont la forme de deux défenses pivotant verticalement, une particularité peu commune : chez la plupart des fourmis actuelles et anciennes, les mandibules sont plus petites et pivotent horizontalement. Mais il existe une lignée de fourmis disparue, les Haidomymecines, qui date également du crétacé. Ces fourmis, que Vincent Perrichot appelle les “fourmis mammouths”, possèdent des mandibules de même forme que celles du fossile mais deux fois plus courtes. « Par analogie morphologique, on a classé la fourmi licorne dans le groupe des fourmis mammouths. »
Habillée d’une rangée de poils de soie qui suggère une fonction sensitive, la corne est également affublée de deux poils plus longs que les autres. « Certaines fourmis actuelles ont les mêmes. Ce sont des prédatrices sévères qui vivent en petits groupes et chassent en solitaire. On les appelle les “trap jaws”, car leur mâchoire fonctionne comme une pince qui se referme sur les proies. On pense que la fourmi licorne avait le même comportement et qu’elle attrapait des proies aussi grandes qu’elle vu la taille de ses mandibules, explique le chercheur. Cette sophistication est assez surprenante pour l’époque du crétacé, elle est apparue dans l’évolution plus tôt que ce que l’on pensait. »
Comment la fourmi licorne paralysait-elle ses proies ? Pourquoi a-t-elle disparu ? Une analyse à l’échelle moléculaire réalisée au synchrotron à Grenoble apportera peut-être de nouvelles réponses d’ici à quelques mois !
(1) Unité mixte de recherche Université de Rennes 1/CNRS, au sein de l’Observatoire des sciences de l’Univers de Rennes (Osur).
(2) Découverte publiée dans la revue Current Biology en mai 2016.
Vincent Perrichot
tél. 02 23 23 60 26
vincent.perrichot@univ-rennes1.fr
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