« J’étudie la glottophobie »
Portrait
Notre discipline, la sociolinguistique, consiste à étudier les aspects sociaux des pratiques linguistiques. Au laboratoire Prefics(1), à l’Université Rennes 2, j’étudie les discriminations liées à la langue que l’on parle, à partir de différents corpus (presse, textes juridiques, documents institutionnels), d’enquêtes et d’observations.
Dire qu’il y a des façons correctes, et d’autres fautives, de parler le français, c’est de l’idéologie ! Elle sert à discriminer l’interlocuteur.
C’est de la “glottophobie” : j’ai construit ce mot sur le modèle de “xénophobie” et “homophobie”. Dès lors qu’il y a un comportement de mépris et de mise à l’écart d’une personne, au prétexte qu’elle est étrangère, homosexuelle, ou qu’elle parle autre chose que la norme attendue, c’est une discrimination.
Nous avons réalisé beaucoup d’études qualitatives qui montrent l’existence de cette discrimination. Elle est institutionnalisée dans l’Éducation nationale : on n’accepte qu’une seule “bonne” façon d’écrire et de parler le français ! En France, la cause principale de l’échec scolaire est le rejet des enfants pour des raisons linguistiques, et non pas pour leur capacité à apprendre. Les emplois qui utilisent la parole, l’accès au droit et l’accès au logement sont concernés par la glottophobie. Cela représente une grande partie de la population française, des millions de personnes. Je préparais le livre Discriminations : combattre la glottophobie depuis deux ans. C’est un ouvrage de synthèse, où je présente les corpus, les analyses et une théorie de la déconstruction de l’idéologie linguistique.
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du magazine Sciences Ouest