L’histoire retrouvée de la pomme

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N° 355 - Publié le 4 octobre 2017
Nicolas Guillas

Grâce à la génétique, des chercheurs d’Angers révèlent la mémoire des pommiers, pour les améliorer.

 

La pomme n’avait jamais été épluchée aussi finement. Une équipe internationale coordonnée par Étienne Bucher, qui dirige l’équipe EpiCenter(1) à l’Inra d’Angers, a établi le génome du pommier(2). Il compte 42140 gènes, et non pas 63000, comme estimé jusqu’alors. « Grâce aux nouvelles technologies de séquençage, nous pouvons positionner précisément 92 % des gènes sur les 17 paires de chromosomes du pommier, explique le biologiste. Avant, nous savions approximativement dans quelle région d’un chromosome se trouvait un gène. »

La localisation des gènes de résistance va aider les agronomes à améliorer les arbres. « Nous pouvons mieux savoir quelle variété de pommier est résistante à une maladie. C’est important, car les principaux pommiers en production, comme les Golden Delicious ou les Gala, sont très susceptibles de tomber malades et doivent être traités régulièrement. » En croisant des variétés, dont celles des collections de l’Inra, des espèces nécessitant moins de pesticides seront créées. Et la connaissance du génome donnera naissance à de nouvelles pommes en une dizaine d’années, soit deux fois plus vite qu’aujourd’hui.

Ces recherches dévoilent aussi l’histoire de la pomme. Ses gènes lui donnent sa forme, sa couleur et son goût. Mais des pommes génétiquement identiques sont parfois différentes. « Sur certains gènes se trouvent des “interrupteurs”. Le statut de ces interrupteurs, allumé ou éteint, est une information qui peut être transmise à travers les générations. Comme une sorte de mémoire. » L’étude de ces changements chez les gènes, appelée l’épigénétique, permet de remonter le temps. Comme des généalogistes, les épigénéticiens datent les événements, car ils connaissent la vitesse des mutations dans les séquences d’ADN.

« Il y a 21 millions d’années, tous les éléments transposables ont bougé dans le génome, a observé Étienne Bucher. L’ancêtre du pommier a dû subir un stress très fort. » Le biologiste s’est tourné vers la géographie et la géologie. Les premiers pommiers fleurissaient dans l’actuelle région montagneuse du Tian Shan, entre la Chine et le Kazakhstan. Ces montagnes, qui culminent à 7400 m, se sont formées à cette époque. Pour s’adapter à ce bouleversement géologique, le pommier s’est alors diversifié en plusieurs espèces et s’est séparé du poirier. 

(1) L’équipe EpiCenter est une composante de l’Institut de recherche en horticulture et semences, à l’Inra et à l’Université d’Angers (Agrocampus Ouest).
(2) Ces résultats ont fait la Une de la revue scientifique Nature Genetics du 5 juin dernier. Ils sont le fruit de trois ans de recherche pour 24 scientifiques en France, aux Pays-Bas, en Italie, en Allemagne et en Afrique du Sud.

Étienne Bucher
tél. 02 41 22 56 99
etienne.bucher@inra.fr

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