« Avec l’âge, j’ai perdu un peu de folie créatrice. »

Portrait

N° 355 - Publié le 3 octobre 2017
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L'épreuve par 7
Denis Tagu

Biologiste à l’Inra de Rennes

Magazine

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Qu’auriez-vous fait si vous n’aviez pas été chercheur ?

J’aurais peut-être travaillé dans le domaine artistique. Je ne suis pas spécialement doué, mais la musique et l’écriture sont des domaines qui m’attirent. Il existe d’ailleurs pas mal de liens entre la science et les arts : la créativité, la curiosité et aussi le travail de groupe, l’intelligence collective.

Aujourd’hui, qu’avez-vous trouvé ?

J’ai réalisé l’importance du groupe justement. L’homme est un animal social qui ne peut s’exprimer que par rapport aux autres. J’ai eu l’occasion de m’en rendre compte quand j’ai été directeur du laboratoire dans lequel je travaille : seul, on n’est rien. On voit bien que c’est le collectif qui est important.

Le hasard vous a-t-il déjà aidé ?

Oui, plusieurs fois et notamment à la fin de mes études. Je pense que cette capacité à capter le hasard et les opportunités est une question de génération. Ces choix, qui influencent ensuite la trajectoire de toute une vie, sont faciles et même naturels quand on a entre 20 et 35 ans. C’est la folie créatrice ! Cela est très bien décrit dans le film L’Âge des possibles, de Pascale Ferran(2).

Qu’avez-vous perdu ?

Cette folie justement !

Que faudrait-il mieux ne pas trouver ?

Cette question n’a pas de sens appliquée à la science, car la science a pour but d’expliquer notre monde. En plus, dans un domaine tel que le mien, la recherche fondamentale, on ne sait jamais ce que l’on va trouver !

Quelle est la découverte qui changerait votre vie ?

Pour l’instant, je ne vois pas...

Qu’est-ce qui vous ferait douter de la rationalité ?

D’un point de vue scientifique, il n’existe pas d’irrationalité. Mais peut-être qu’un jour, on en saura plus sur le cerveau et qu’on comprendra mieux son fonctionnement stochastique.
Car entre notre génome et nos comportements, il y a tellement d’événements combinatoires que l’on peut avoir une impression d’irrationnel. D’ailleurs, voilà, j’ai trouvé ma réponse à votre question précédente : que la science démontre de façon rationnelle que l’irrationnel - irrationnel dans le sens non prédictif - existe !

PROPOS RECUEILLIS PAR par téléphone depuis Barcelone(1) où il est parti travailler pendant six mois.
Monsieur “génomicien du puceron” a été interviewé par Nathalie Blanc

(1) Au Centre for Genomic Regulation (CRG).
(2) Sorti en 1995.

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