Éviter les allergies du bébé

Aux petits soins

N° 371 - Publié le 2 avril 2019
Julie Danet
Sébastien Barbarot et Marie Bodinier, du CHU de Nantes et de l’Inra, veulent prévenir la dermatite atopique. Cette maladie de la peau touche un enfant sur sept.

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Un type d’eczéma chez l’enfant pourrait être limité en modifiant l’alimentation de sa mère enceinte.

Démangeaisons, rougeurs, suintement... Les enfants atteints de “dermatite atopique” en souffrent chaque jour. Cet eczéma est parfois sévère, souvent localisé sur le visage et les parties découvertes. Il affecte leur sommeil et leur estime de soi. En Europe, un enfant sur sept environ est touché par cette maladie chronique et héréditaire. Elle peut apparaître dès les premières semaines, puis disparaitre quand l’enfant a deux ans(1).
« Aujourd’hui, seuls des traitements par corticoïdes en pommade sont proposés, explique Sébastien Barbarot, dermatologue au CHU de Nantes. Ils sont efficaces mais contraignants. Des alternatives orales ou injectables ont été développées, mais elles sont très chères. » En collaboration avec l’Inra(2), il teste aujourd’hui une piste pour prévenir cet eczéma.

Les bactéries de l’intestin

Les chercheurs s’intéressent à des substances alimentaires, appelées “prébiotiques”. Ce sont des sucres fermentés, présents par exemple dans l’ail, la chicorée, la banane ou l’artichaut. Ils favorisent le développement des “bonnes” bactéries de l’intestin(3). « Nous avions montré que lorsque des prébiotiques sont donnés à des souris gestantes et allaitantes, le risque de développer des allergies alimentaires est réduit pour les petits », explique Marie Bodinier, immunologiste à l’Inra. Ces allergies sont souvent associées à la dermatite.

Avec 39 femmes enceintes

Ces résultats sont-ils transposables pour la dermatite atopique chez l’Homme ? C’est ce que pourrait révéler l’essai clinique lancé en février 2018(4). « Nous avons actuellement recruté 39 femmes enceintes allergiques(5) et nous souhaitons en réunir 376 », poursuit Sébastien Barbarot. Les mères sont suivies de leur vingtième semaine de grossesse jusqu’au premier anniversaire de l’enfant. « La moitié d’entre elles reçoit un placebo, l’autre des prébiotiques commercialisés. »

Les enfants atteints de dermatite atopique sont très peu tolérants aux allergènes. Pourquoi leur système immunitaire réagit-il de manière inadaptée ? « En cas d’allergies, le microbiote et le système immunitaire dysfonctionnent, explique Marie Bodinier. Mais les mécanismes restent mal connus. » Pour mieux comprendre ce qui se passe, les deux scientifiques(6) vont utiliser, dans le cadre d’un projet ANR(7), les échantillons de sang, de selles et de lait maternel prélevés pour l’essai clinique.

« En 50 ans, le nombre de cas de dermatite atopique a été multiplié par cinq », alerte Sébastien Barbarot. Une augmentation que certains expliquent par l’hypothèse dite “hygiéniste” : « Moins notre corps est en contact avec des bactéries, virus et champignons variés, moins il développe le phénomène de tolérance aux allergènes. Et plus le risque d’allergies croît. » Chat, chiens, chevaux, vaches, poules et autres animaux : côtoyez-les, caressez-les. C’est bon pour la santé !

Julie Danet

(1) Dans un cas sur trois, la dermatite atopique perdure jusqu’à l’âge adulte.
(2) Institut national de la recherche agronomique.
(3) Les bactéries de l’intestin et de l’estomac font partie du microbiote intestinal (ou flore intestinale), qui joue un rôle indispensable pour l’organisme.
(4) L’essai clinique Pregrall est financé par le PHRC (Programme hospitalier de recherche clinique) du Groupement interrégional de recherche clinique et d’innovation Grand ouest.
(5) Ces patientes souffrent d’eczéma, d’asthme, de rhinite allergique et/ou d’allergie alimentaire. (6) En partenariat avec quatre équipes Inra, Hugoperen et le CRNH Ouest.
(7) Le projet Cimmap (Supplémentation maternelle en prébiotiques visant à prévenir l’allergie infantile) est financé par l’Agence nationale de la recherche.

Sébastien Barbarot, sebastien.barbarot@chu-nantes.fr
Marie Bodinier, marie.bodinier@inra.fr

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