Pourquoi les jeunes boivent ?

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N° 378 - Publié le 22 janvier 2020
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L'objectif de ces recherches sur le cerveau des adolescents est de mieux prévenir les risques de l'alcool.

Chez l’ado, l’envie de boire de l’alcool est liée au développement de son cerveau. Une étude vient de le montrer.

Dire que l’alcool détruit le cerveau est une interprétation trop simple et réductrice, explique Gabriel Robert, médecin psychiatre et chercheur1 à l’Université de Rennes 1. Notre analyse montre que le développement cérébral pourrait être un facteur contributif des prises d’alcool, à l’adolescence. » L’étude qu’il a codirigée, publiée dans Jama psychiatry en décembre, est une petite révolution. Elle remet en cause les précédentes recherches en neurosciences, qui suggéraient que l’alcool provoque une diminution de la matière grise chez les jeunes.

726 adolescents en Europe

Pendant cinq ans, les chercheurs ont étudié les données recueillies en Europe2 sur 726 adolescents, dont 418 filles. Ces jeunes ont été suivis à 14, 16 et 19 ans. Ils ont répondu à des questionnaires de personnalité et de consommation d’alcool. Des questions pièges ont permis de trier les réponses sincères de celles improbables, pour éliminer du panel les adolescents qui ne jouaient pas le jeu de la transparence.

L’imagerie du cerveau des adolescents, réalisée par IRM à 14 et 19 ans, a montré l’amincissement de certaines zones du cerveau, les lobes préfrontal et temporal. « La diminution de la matière grise est un phénomène physiologique tout à fait normal à cet âge-là, poursuit Gabriel Robert. On parle d’élagage synaptique3. Mais ce que montre notre étude, c’est le lien entre l’accélération de cette diminution et l’augmentation des prises d’alcool. » L’envie de boire serait ainsi liée au développement du cerveau.

Surtout chez les filles

Cette corrélation a surtout été mise en évidence chez les filles. Les garçons boivent davantage qu’elles en moyenne. Mais chez eux, c’est un trait de personnalité, l’impulsivité, qui les pousse à consommer plus d’alcool. La réduction d’une partie du cerveau, chez les garçons et chez les filles, induit un comportement, que les chercheurs n’arrivent pas encore à décrire. C’est ce comportement différent qui favoriserait l’acte de boire.

Il manque encore des maillons à la chaîne pour comprendre le processus. Ces recherches4, qui s’inscrivent dans le projet européen Imagen5, se poursuivent. L’objectif est d’identifier les sujets les plus à risque pour une prévention ciblée auprès des ados.

ÉMILIE VEYSSIE

1. À l’unité de recherche Comportement et noyaux gris centraux. Il n’a aucun lien d’intérêts à déclarer avec les firmes et laboratoires pharmaceutiques.
2. À Paris, Dublin, Londres, Nottingham, Hambourg, Berlin, Mannheim et Dresde.
3. Raréfaction des connexions neuronales. Cet amincissement fait partie du développement cérébral.
4. L’étude a été financée par la Fondation Deniker, la Fondation pour la recherche médicale, l’Institut scientifique du laboratoire Servier, le laboratoire Janssen & Janssen et le Centre hospitalier Guillaume Régnier.
5. Imagen étudie l’effet des facteurs biologiques, environnementaux et psychologiques sur le développement du cerveau pendant l’adolescence.

Gabriel Robert, 02 99 33 39 37
gabriel.robert@univ-rennes1.fr

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