Préparons la neutralité carbone

Carte blanche

N° 382 - Publié le 1 juillet 2020
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Corinne Le Quéré
Carte blanche
Corinne Le Quéré
Climatologue, présidente du Haut conseil pour le climat. Professeure en science du changement climatique à l’Université d’East Anglia (Royaume-Uni), directrice d'un groupe de recherche sur les émissions et puits de carbone.

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La catastrophe sanitaire du Covid-19 rappelle de façon brutale notre vulnérabilité. Cette crise révèle le peu d’attention que nous portons aux signaux d’alerte, les manques de préparation et de prévention. La plupart des causes structurelles de la crise du Covid-19 sont aussi à l’origine du changement climatique, en particulier la pression insoutenable que nous exerçons sur les milieux naturels.

Au-delà de l’urgence immédiate pour assurer le bien-être de la population, nous devons remédier aux causes profondes de cette situation, afin de réduire nos vulnérabilités face aux crises sanitaires et climatiques futures. Face au changement climatique, il s’agit d’adopter une stratégie d’atténuation (en agissant sur les causes) et d’adaptation (pour faire face aux conséquences).

Pour arrêter le réchauffement de la planète, les émissions de dioxyde de carbone (CO2) doivent être amenées à la neutralité carbone. C’est-à-dire que toute source d’émissions qui ne peut pas cesser complètement doit être compensée par l’augmentation du captage de CO2 par les puits de carbone. Les autres gaz à effet de serre doivent aussi diminuer. Plus nous agissons rapidement, plus le réchauffement sera limité. Néanmoins, la situation continue de s’aggraver chaque année.

Durant la crise du Covid-19, les émissions de CO2 ont diminué d’environ 30 % en France, au pic du confinement, entre mi-mars et mi-mai, et de 17 % au niveau mondial début avril. Cette baisse radicale repose sur une sobriété imposée et temporaire, en particulier des déplacements et de la consommation. Aussitôt le confinement levé, les émissions ont directement recommencé à remonter vers leur niveau pré-Covid.

Une baisse d’émissions en 2020

Pour cette année, la baisse pourrait être d’environ 10 % en France, et de 4 à 7 % à l’échelle du monde. Cette baisse en émissions n’est pas durable, car elle n’est pas le résultat d’un changement structurel organisé. Cependant, elle démontre l’ampleur des efforts qu’il reste à fournir pour lutter contre le changement climatique. En effet, pour limiter le réchauffement à 1,5 °C,

nous devons réduire nos émissions année après année autant que nous le faisions durant le confinement. Mais est-ce possible ?

Une réduction insuffisante

En fait, la réduction des émissions durant le confinement, parce qu’elle est temporaire, est insuffisante pour influencer le réchauffement de la planète. Par contre, la façon dont les gouvernements vont répondre à la crise du Covid-19 pourrait, elle, faire une différence énorme. En effet, si les décideurs politiques, à tous niveaux, investissent leurs efforts pour soutenir les infrastructures bas-carbone dont nous avons besoin, nous pourrions réduire le réchauffement de moitié d’ici l’année 2050 et éviter les +1,5 °C. Si au contraire nous reconstruisons l’économie à l’identique, les émissions pourraient remonter à un niveau supérieur à l’avant crise et amplifier le réchauffement.

Les investissements bas-carbone sont nombreux et beaucoup soutiennent aussi l’emploi et/ou le bien-être. Par exemple, encourager la marche et le vélo, soutenir la filière montante du vélo électrique, mettre en place des rénovations thermiques des bâtiments qui rendent nos maisons plus confortables, mieux se nourrir pour réduire la pression sur les écosystèmes et les forêts, et pour l’industrie investir dans l’électrification des transports et des processus, dans le déploiement des énergies renouvelables, le stockage de carbone et les énergies nouvelles.

En résumé, beaucoup d’options s’offrent à nous. L’année 2020 pourrait être un moment décisif dans la lutte contre le changement climatique, si nous avons la sagesse de saisir cette opportunité unique.

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