Les araignées sont des insecticides

Carte blanche

N° 384 - Publié le 1 novembre 2020
araignée
Carte blanche
Christine Rollard
Biologiste, aranéologue au Muséum national d'histoire

Leur évocation laisse rarement indifférent. Entre admiration et répulsion, les araignées occupent une place particulière dans notre esprit. Nombre d’entre nous considèrent qu’elles ne servent à rien, ou seulement à faire peur et à peupler nos cauchemars ! Leur diversité est immense puisque près de 48 900 espèces sont répertoriées dans le monde, dont 1 750 uniquement en France. Apparues, selon les traces fossiles, il y a environ 300 millions d’années, elles ont colonisé pratiquement tous les milieux terrestres.

Techniques de chasse

Pour mieux comprendre le rôle des araignées, peut-être faut-il se placer à l’échelle de l’ensemble des organismes du vivant sur Terre, dont nous faisons aussi partie. Ces organismes se sont développés avec plusieurs caractéristiques, mises en place au cours de l’évolution. Les formes de vie sont très diversifiées, beaucoup occupant une place définie dans la chaîne alimentaire. Dans cet équilibre fait d’interactions complexes, les araignées occupent une place de prédateurs. Elles se nourrissent de proies variées, vivantes en général, et sont elles-mêmes chassées par d’autres animaux. Gardons à l’esprit que la majorité d’entre elles ne mesure que quelques millimètres (longueur du corps) et qu’elles occupent des micro-habitats, dans la nature ou dans nos demeures.

Les moyens utilisés par les araignées pour attraper leurs proies sont très variés. Il s’agit le plus souvent d’une chasse opportuniste, basée sur la probabilité de rencontre avec une proie plutôt qu’un choix spécifique. Certaines araignées utilisent pour cela des pièges de formes variées selon les espèces (toile géométrique, en nappe, en réseau ou en tube…), élaborés à l’aide des fils de soie qu’elles produisent. D’autres chassent leurs proies en sautant, en courant ou se postant à l’affût.

Leurs proies préférentielles sont les insectes, même si elles sont aussi capables d’aller puiser leurs ressources parmi d’autres organismes. Se manger entre elles, entre espèces différentes ou dans la même espèce, est une pratique courante, puisque chez la grande majorité des espèces, aucune relation entre individus n’existe. D’ailleurs le plus important prédateur des araignées, c’est l’araignée elle-même !

Des millions d’insectes dévorés

Les araignées parviennent-elles à limiter les populations de ravageurs de cultures, de moustiques ou de mouches de nos habitations, ou sont-elles en partie responsables du dépeuplement des abeilles ? Sans aucun doute, les araignées ont une incidence considérable, même si nous ne le voyons pas directement, dans les milieux où elles sont présentes. En France, le nombre d’insectes dévorés sur une année par les araignées a été évalué à plus de 400 millions sur un hectare. Et parfois davantage, car leur consommation est très variable selon les espèces et l’âge des individus. On a ainsi estimé qu’elles peuvent se nourrir de l’équivalent de 130 millions de pucerons ou 6 millions de mouches en une année sur un hectare. Quel insecticide naturel ! Leur rôle écologique n’est plus à démontrer.

Une source d’inspiration

Contrairement aux autres insecticides, les araignées n’attaquent pas la couche d’ozone. De plus, leur prélèvement d’abeilles, de bourdons ou de tout autre insecte pollinisateur n’est rien au regard des dégâts causés par les pesticides sur ces insectes. Sources d’inspiration ou matériel d’étude, convoitées à des fins industrielles ou médicales en tant que productrices de soie et de venin, les connaît-on vraiment ? Les araignées gagnent à être perçues avec un nouveau regard, en enlevant les idées fausses dont on les affuble souvent !

 

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