Le paradigme de l’exposome

Carte blanche

N° 386 - Publié le 2 mars 2021
microscope
Carte blanche
Bernard Jégou
Chercheur émérite- Directeur de recherche de classe exceptionnelle à l'Inserm (Irset, EHESP, Université de Rennes 1)

« L’individu que je suis est fait de toutes les impressions reçues du monde extérieur depuis et avant ma naissance » exprimait l’artiste Nicolas de Staël. Ce ressenti lucide illustre le paradigme1 de l’exposome, défini par Christopher Paul Wild en 2005 comme étant « la totalité des expositions auxquelles un individu est soumis de la conception à la mort. » Cela intègre « l’environnement chimique, microbiologique, physique, récréatif, médicamenteux, le style de vie, l’alimentation, ainsi que les infections. »

Micro-organismes pathogènes

Les vagues successives d’épidémies telles que le choléra, le paludisme, la tuberculose ainsi que la pandémie du Covid-19, montrent combien la propagation des micro-organismes pathogènes et leur émergence liées à la dégradation des écosystèmes reste une préoccupation majeure de santé publique.

Dans de très nombreux pays, l’impact de la crise sanitaire actuelle est considérable, tant sur le plan médical, social, qu’économique. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ce sont les maladies infectieuses qui provoquent le plus de décès dans les pays à faible revenu, alors que dans ceux à revenu élevé, les maladies chroniques sont responsables de 63 % des décès. Celles-ci sont, à bien des égards, la conséquence de la transition nutritionnelle3 et du vieillissement des populations. Le nombre de cas d’obésité a quasiment triplé dans le monde depuis 1975 !

Par ailleurs, la combinaison d’expositions multiples (ex. pollutions chimiques et atmosphériques, addictions, fracture sociale, infections) a contribué au développement de maladies chroniques, comme les cancers, les maladies neurodégénératives, l’hypertension, les cardiopathies, les insuffisances hépatiques et rénales, les allergies et les infections respiratoires. Selon les projections de l’OMS, ces maladies chroniques hétérogènes peuvent conduire à plus de quarante millions de décès chaque année dans le monde.

Microbiote et épigénétique

Grâce aux formidables progrès des connaissances sur l’épigénétique3 et sur le microbiote4, la question qui se pose désormais est de déterminer si les maladies chroniques sont susceptibles d’être transmises. À la différence des maladies infectieuses, il est évident que ces maladies de longue durée ne sont pas spontanément et directement communicables d’une personne à l’autre. Cependant, le microbiote et l’épigénétique, intégrant l’ensemble des processus de régulation de l’expression des gènes, au cours du développement ainsi qu’en réaction aux signaux environnementaux, sont susceptibles de transférer un héritage, tant en termes d’évolution, de biologie générale, que de maladies.

Des exposomes favorables

L’exposome est souvent considéré comme intégrant les expositions négatives pour la santé. Cependant, il est très important de considérer que la prévention et la promotion de la santé sont à même de conduire à des exposomes favorables pour la santé à l’échelle individuelle et populationnelle, en prenant en compte les aspects socio-économiques des populations considérées.

Il est crucial de mobiliser des équipes pluridisciplinaires pour croiser les sciences humaines, sociales et médicales, d'épidémiologie, de toxicologie, d'écologie... et que la recherche bénéficie de financements importants pour bien comprendre ce paradigme qui est à l'interface de la santé humaine, de la santé des écosystèmes et de la santé animale.

1. Modèle théorique de pensée qui oriente la recherche et la réflexion scientifiques.

2. Impliquant notamment l’industrialisation des aliments, des changements de modes de vie et l’urbanisation.

3. Science qui étudie l’ensemble des processus de régulation de l’expression des gènes, ainsi que l’influence de l’environnement sur cette même expression.

4. Ensemble des micro-organismes qui colonisent notre corps.

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