La Bretagne, une terre de neurosciences

Carte blanche

N° 409 - Publié le 1 mai 2023
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Manon Auffret
Carte blanche
Manon Auffret
Docteure en pharmacie et en biologie (spécialité neurosciences), diplômée en histoire de la médecine, chercheuse France Développement Electronique (FDE) et Institut des neurosciences cliniques de Rennes, hébergée au CHU et à l’Université de Rennes

Aujourd’hui, les travaux neuroscientifiques des équipes rennaises1 rayonnent à l’international. Si l’implantation des neurosciences en Bretagne est généralement considérée comme un fait relativement récent, datant de l’après-guerre, le cerveau et ses pathologies sont depuis longtemps au cœur des préoccupations des Bretons.

Focus sur les pionniers

C’est au début du 18e siècle que l’hospice Saint-Méen, ancêtre de l’actuel Centre hospitalier Guillaume Régnier, accueille pour la première fois des patients souffrant de troubles psychiatriques. La loi du 30 juin 1838, portant sur l’organisation de la psychiatrie française, le transformera en “asile départemental des aliénés d’Ille-et-Vilaine”. Le 19e siècle est une période charnière dans le domaine des neurosciences : c’est en effet en 1882 que fut créée la première chaire mondiale des maladies du système nerveux pour Jean-Martin Charcot (1825-1893), à l’hôpital de la Salpêtrière, à Paris. Rennes et la Bretagne ne sont pas pour autant en reste. Deux entités cliniques relevant de la neurologie sont ainsi découvertes et décrites avec précision par Augustin Morvan (1819-1897), médecin finistérien. Elles conserveront son nom (maladie et syndrome de Morvan). Théodule Ribot (1839-1916), natif de Guingamp, excelle à Paris dans le domaine de la philosophie. Auteur prolifique, enseignant au Collège de France, il sera un pionnier du développement scientifique de la psychologie. L’un de ses élèves, Benjamin Bourdon (1860-1943), psychologue et philosophe reconnu internationalement en son temps, est quant à lui le fondateur du premier laboratoire universitaire français de psychologie expérimentale, à la faculté des lettres de Rennes (1896). En août 1905, la capitale bretonne devient pour quelques jours le centre névralgique des neurosciences francophones, en accueillant en grande pompe le seizième Congrès des médecins aliénistes et neurologistes de langue française. 

À l’hôpital militaire

Même si la Bretagne est éloignée du front, elle n'est pas épargnée par les tourments de la Première Guerre mondiale. Ville de l’arrière, elle accueille les blessés par centaines de milliers. Parmi ses très nombreux établissements sanitaires, le “Centre Neurologique de la 10e région”, où sont pratiqués rééducation, massage, mais aussi le très controversé « torpillage », électrothérapie à la méthode Clovis Vincent2. Consultations et enseignements de neurologie sont assurés dans l’entre-deux-guerres par Alexandre Lamache, qui sera chargé du Centre régional de neurologie à l’hôpital militaire de Rennes pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1949, Rennes voit naître la troisième chaire de clinique neurochirurgicale française. Neuro-traumatologie, neuro-oncologie et psychochirurgie s’établissent donc en Bretagne avec Daniel Ferey, inaugurant le développement des neurosciences rennaises. Celles-ci prendront leur essor dans les années 1960-1970, sous l’impulsion de figures bien connues des Rennais : Jean Pecker, Albert Javalet et Olivier Sabouraud. Créé en 2011 et présidé successivement par les professeurs Gilles Edan et Marc Vérin, l’INCR3 poursuit aujourd’hui le travail de ces pionniers, en soutenant de jeunes chercheurs, confortant ainsi la Bretagne dans son ambition de demeurer un acteur majeur dans la recherche clinique sur les maladies du cerveau.

1. Regroupant cliniciens et chercheurs de l’INCR, du CHU de Rennes, de l’Université de Rennes et de l’Inserm.

2. Application de doses massives d’électricité aux malades.

3. Institut des neurosciences cliniques de Rennes.

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