Les oiseaux marins, précieux témoins des impacts anthropiques
Carte blanche
Si les océans couvrent près des trois quarts de la surface du globe, les oiseaux marins comptent moins de 400 espèces, soit 3 % des oiseaux connus. Ils sont côtiers, venant régulièrement à terre et pouvant aussi s’alimenter en milieu terrestre, ou pélagiques, s’alimentant et passant leur vie essentiellement en mer, ne venant à terre que pour se reproduire. Symboles de liberté, ces vagabonds voyagent au gré des vents, certains effectuant un aller-retour annuel de 50 000 à 100 000 kilomètres entre leurs zones de reproduction et d’hivernage.
Épidémies et climat
Mais ces espèces font face à de multiples dangers, tant sur leurs colonies qu’en mer, et plus d’un tiers sont globalement menacées. Prédation par les mammifères introduits, pollution, captures accidentelles par les engins de pêche, surpêche, conséquences du dérèglement climatique et dérangement humain figurent parmi les principales menaces. Elles affectent la survie ou la reproduction, mais aussi la physiologie, l’alimentation, l’abondance, la répartition géographique, etc. Face à ces risques, des actions de conservation sont menées de longue date, notamment sur les colonies, et reposent bien souvent sur une implication du milieu associatif avec un fort investissement bénévole.
Dernière menace majeure en date, l’influenza aviaire hautement pathogène. Ce virus, apparu en 1996 dans un élevage intensif de volailles en Chine, s’est disséminé à travers le monde. En 2022, une épizootie sans précédent a touché l’Europe, puis d’autres continents, avec des dizaines de milliers d’oiseaux marins morts. En 2023, des colonies sont à nouveau fortement impactées, avec des mortalités massives de poussins et d’adultes. Seuls deux continents hébergeant une avifaune marine riche et unique sont encore épargnés : l’Antarctique et l’Australie.
Des phénomènes naturels, comme El Niño, impactent les écosystèmes marins. Mais le dérèglement climatique, causé par les activités humaines, engendre des épisodes de canicule marine affectant les écosystèmes avec, entre autres, des mortalités d’oiseaux marins. En Europe, la température de surface de la mer en 2023 est la plus élevée jamais enregistrée. Les conséquences à court, moyen ou long terme de ces phénomènes nouveaux sur les oiseaux marins ne sont pas encore connues avec précision, mais des effets négatifs sont à craindre. Confrontées aux modifications environnementales, ces espèces longévives, 70 ans pour les âges records, caractérisées notamment par un taux de survie adulte élevé et une fécondité réduite, sont indicatrices de l’état de santé de l’environnement marin. Elles font l’objet de suivis à long terme, dont la pérennisation des financements est parfois compliquée, permettant de collecter des données d’intérêt majeur pour appréhender l’impact anthropique sur la biodiversité marine.
Un symbole
La France a instauré en 2022 une journée nationale de la résilience face aux risques naturels et technologiques. Mais cette indispensable résilience ne concerne pas que l’espèce humaine, elle concerne toute la biodiversité affectée par les activités humaines. Le grand pingouin, oiseau marin représenté sur des peintures rupestres vieilles de 20 000 ans, a disparu en 1844, chassé jusqu’au dernier. Il est, tout comme le dodo, un symbole des espèces exterminées par l’Homme.
Alors mettons tout en œuvre pour limiter les effets néfastes et dévastateurs des activités humaines, pour éviter de nouvelles disparitions et pour que les oiseaux marins puissent continuer à nous émerveiller !
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