Les méduses : de l’océan au microscope

Carte blanche

N° 421 - Publié le 29 août 2024
méduse
Pexels / Pawel Kalisinski
Portrait de Jaqueline Goy
Carte blanche
Jacqueline Goy
Attachée scientifique à l’Institut océanographique de la Fondation Albert Ier prince.

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L’invasion massive de méduses en Méditerranée a justifié une réunion de spécialistes, sorte d’États Généraux des méduses en 1983, pour comprendre les raisons de ce phénomène. L’espèce Pelagia noctiluca a été sélectionnée comme modèle par les chercheurs du laboratoire de Villefranche-sur-Mer. Ses apparitions, établies sur deux siècles, ont été corrélées aux grandes fluctuations hydro-climatiques avec une périodicité d’environ douze ans. Mais depuis les années 2000 cette régularité est grippée et c’est tout le concept qu’il faut revoir.

Effets du climat


Désormais Pelagia est présente tous les ans, été comme hiver, mettant en évidence une production marine qui engendre le développement d’organismes gélatineux, d’où le terme si souvent employé de gélification des océans.
La première explication avancée est bien sûr l’augmentation de la température des eaux marines : les méduses peuvent se reproduire plus tôt et sont alors des adultes plus robustes pour affronter les températures hivernales. La surpêche est un autre facteur qui favorise leur pullulation. En éliminant la concurrence trophique, dans « une mer sans poissons », les méduses disposent d’une large gamme de nourriture qui avantage leur croissance et surtout la maturation des gonades. À l’éclosion, les larves ne risquent pas de subir de disette qui pouvait expliquer les effondrements de densité certaines années. L’abondance des méduses, qui n’ont pas un grand pouvoir nutritionnel, provoquent alors une perturbation du réseau trophique. Non seulement le milieu marin s’appauvrit, mais il perd aussi sa biodiversité.

Pompe à carbone


Le problème s’est alors posé de la protection des plages contre ces animaux urticants. En plus d’une météo des plages qui décrit les trajectoires des courants et des vents locaux susceptibles de rabattre les méduses à la côte, les traitements statistiques ont pris en compte le nombre de méduses observées au large de chaque secteur touristique et ont analysé la probabilité des échouages. Le modèle numérique associe biologie des méduses et circulation océanique, ce qui représente une simulation intéressante de la dynamique locale. Applicable à d’autres zones perturbées par les méduses, ces dernières sont devenues des sentinelles de l’océan. Comme l’espèce Pelagia effectue des migrations sur plus de 100 mètres de profondeur, elle contribue au transport du carbone vers les couches profondes. Ce rôle de « pompe à carbone » est intéressant dans le contexte actuel et c’est cette voie de recherche qui est actuellement privilégiée, pour une connaissance du fonctionnement de l’écosystème pélagique gélatineux.

Les vertus protectrices des méduses ont été reconnues dès l’Antiquité en les utilisant comme cataplasme pour soigner les rhumatismes, usage resté en vigueur jusqu’au 19e siècle dans les pays du Nord. La médecine s’intéresse beaucoup à ces animaux et c’est en étudiant les effets des piqûres que Charles Richet et Paul Portier ont découvert l’anaphylaxie, c’est-à-dire le paroxysme des réactions allergiques. De nombreuses applications ont depuis été reconnues : leur collagène compatible avec le nôtre, les cellules souches et leur immortalité, le gène codant la réaction de luminescence… qui a permis l’invention du microscope du 21e siècle. Enfin, il ne faut pas oublier que la moitié de l’humanité mange des méduses, surtout en Asie. Elles n’ont donc pas fini de nous surprendre !

EN SAVOIR PLUS
Jaqueline Goy a co-publié une fiche scientifique sur des méduses fossiles trouvées dans la rade de Brest : à découvrir sur www.oceano.org

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