Cœur artificiel : mythe ou réalité ?
Carte blanche


Le premier cœur artificiel fut implanté chez l’Homme en 1969 aux États-Unis. Il a servi de solution temporaire avant une transplantation cardiaque réalisée trois jours plus tard, mais le patient décéda d’infection généralisée peu après. Une question s’imposait alors à tous : si ce cœur artificiel avait maintenu en vie le patient pendant trois jours, pourquoi pas pendant trois mois ? Plus d’un demi-siècle après, les choses ont finalement peu évolué et la mise en place de ces prothèses cardiaques reste exceptionnelle, souvent dans le cadre de protocoles expérimentaux très encadrés et surveillés. L’implantation de ces machines, censées suppléer en totalité la fonction cardiaque, reste donc l’apanage de quelques centres dans le monde.
Challenge médical
Nous sommes encore loin d’une technologie maitrisée et adoptée en pratique clinique courante. Beaucoup d’équipes soignantes considèrent encore ces procédures comme un voyage sur la Lune, le patient étant embarqué dans sa fusée tandis que les soignants restés au sol pilotent à distance la procédure depuis la salle de contrôle. Si l’évolution technologique est réelle dans le domaine, la procédure reste un saut dans l’inconnu, un challenge médical, une prouesse réservée à quelques riches pays occidentaux. À l’instar de l’aviation ou de l’aérospatiale, quelques nations s’illustrent dans cette onéreuse recherche médicale, avec une compétition larvée pour aboutir au dispositif idéal. La France et son désormais célèbre cœur artificiel total Carmat1 n’est pas en reste, et l’étude Eficas est actuellement une des rares dans le domaine, avec des résultats attendus dans les prochains mois. Il faut souligner ici l’héroïsme (le mot n’est pas trop faible) de ces rares patients, candidats à une procédure nouvelle, hasardeuse, à haut risque chirurgical et dont l’issue est incertaine. Face à la gravité de leur insuffisance cardiaque avancée et au pronostic si sombre à court terme, à la pénurie de greffons, l’immobilisme scientifique n’est pas une alternative. Il faut avancer, explorer de nouvelles voies, tester des dispositifs, essayer de nouvelles molécules. À côté des progrès en thérapie génique et cellulaire, l’espoir de disposer d’une prothèse mécanique cardiaque est plus que jamais d’actualité. Mais les obstacles au développement de ces machines sont nombreux, et majeurs. Ils sont techniques (ces pompes doivent être biocompatibles, fiables car la panne est mortelle), financiers (il faut lever des sommes considérables pour mettre au point ces dispositifs à haute valeur technologique), mais aussi éthiques. Quelle priorisation donner aux patients pour accéder à la transplantation, quelles conséquences en termes de survie et surtout de qualité de vie ? Ne jouons-nous pas parfois aux apprentis sorciers avec les patients les plus graves ?
Un dernier effort
Restons optimistes ! Ces précieux patients ouvrent de nouvelles voies, améliorent considérablement nos connaissances, fédèrent les équipes hospitalières autour d’audacieux et attractifs projets médicaux. L’impression 3D, le numérique et l’intelligence artificielle pourraient grandement accélérer la mise en œuvre de ces programmes, pour des patients en attente de greffe cardiaque, voire en alternative à celle-ci. La route est encore longue, mais chaque patient implanté, chaque dispositif explanté, nous rapproche un peu plus de la prothèse cardiaque efficace, fiable et utile. Le cœur artificiel total n’est pas complètement abouti mais bien avancé. Un dernier effort et le mythe deviendra réalité pour de nombreux patients.
1. Total artificial heart and the quest to improve biventricular mechanical support.
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