À la recherche d’une troisième nature

Actualité

N° 428 - Publié le 28 mars 2025
© ANNA SARDIN
Au croisement du documentaire et de l'expérimentation, le travail de Grégoire Eloy mélange les échelles et les techniques.

Magazine

4397 résultat(s) trouvé(s)

Photographe depuis 30 ans, Grégoire Eloy immortalise les scientifiques en pleine recherche. Un travail qui mêle poésie et réflexion sur la nature et ceux qui l’étudient.

Des glaciers dans tous leurs états, une faille géologique fossilisée, une exploration de l’estran1 et de ceux qui l’étudient de près… Autant d’objets de recherche qui sont aussi ceux des photographies de Grégoire Eloy, exposées jusqu’au 21 septembre dans la salle Anita Conti, aux Champs Libres à Rennes. On suit dans cette rétrospective l’artiste, les chercheurs et leurs sujets, dont il a aussi fait ses muses.

La nature revisitée


« Le fil rouge de cette exposition, c’est ma collaboration avec la communauté scientifique, explique l’intéressé au milieu de ses clichés en noir et blanc. Pourtant, mes images n’ont pas de vocation scientifique. Elles sont là pour nourrir l’imaginaire, le poétique, et dépeignent un monde qui, potentiellement, sera le nôtre, des montagnes sans glaciers aux nouvelles espèces de l’estran. » Tantôt d’une précision microscopique, tantôt compilant des images satellites, le photographe s’inspire des mots et de la démarche des spécialistes en sciences de la nature et du vivant pour montrer ce qu’ils nomment la troisième nature.
Quand la première nature désigne sa forme sauvage, inhabitée et « vierge de toute influence humaine », la seconde est celle « voulue et façonnée par l’être humain pour sa subsistance » : l’agriculture, les aménagements sur les territoires naturels, l’exploitation forestière… Une troisième version existe, « conséquence directe des déséquilibres engendrés par l’action humaine et le changement climatique ». Elle est une nature « hors de notre contrôle, où de nouveaux mondes sauvages apparaissent et s’imposent à nous ». C’est elle qu’il veut immortaliser.

La recherche autrement


Dans la salle d’exposition, il est possible d’écouter les chercheurs présenter leurs travaux dans des enregistrements audio. Parmi eux, le nivologue2 Simon Gascoin, qui suit le glacier d’Ossoue, dans les Pyrénées, depuis plus de 20 ans pour le Cesbio3, et les biologistes marins Jacques Grall et Vincent Le Garrec, spécialistes de l’estran à l’IUEM4 de Plouzané. « Quand les scientifiques voient mon travail, ils sont projetés hors de leur quotidien qui laisse peu de place à la rêverie. » Grégoire Eloy les décrit comme des passeurs, des révélateurs, qui « s’ouvrent aux hypothèses et s’abandonnent dans l’inconnu ». Et il a été plus que bien accueilli : « Les chercheurs ont tout de suite accepté que je les suive. Pour eux, c’est une manière de communiquer avec le public, ce qui fait partie de leurs missions… Mais ils ont la tête dans le guidon ! »
Une vraie opportunité pour la science de se montrer sous un autre jour, et pour le photographe de raconter les détails de ses expéditions. « Les gens sont curieux de savoir ce qui se passe sur le terrain, et les scientifiques me font confiance pour restituer leur travail. En les accompagnant, je les vois se donner du mal pour faire leurs prélèvements, je les écoute en venir à considérer un glacier comme un être biologique. C’est ce que je raconte avec mes photos. »

Anna Sardin

1. Zone de balancement des marées.
2. Scientifique qui étudie la neige.
3. Centre d’études spatiales de la biosphère, à Toulouse.
4. Institut universitaire européen de la mer.

TOUTES LES ACTUALITÉS

Abonnez-vous à la newsletter
du magazine Sciences Ouest

Suivez Sciences Ouest