Loin d’être réservés aux femmes

Les bijoux, d'hier à nos jours

N° 429 - Publié le 28 avril 2025
Sirio / Unsplash

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Pendant longtemps, les hommes comme les femmes ont porté des bijoux ; il s’agissait de marqueurs de pouvoir et de richesse plutôt que de genre. Alors comment se sont-ils trouvés associés à la féminité ? 

« L’idée que le bijou est féminin est très récente », souligne Emmanuelle Amiot, docteure en histoire de l’art et responsable de la recherche à l’École des arts joailliers, à Paris. Des boutonnières en diamant de Louis XIV à la boucle d’oreille d’Henri III, on retrouve en effet de nombreuses traces d’hommes portant des bijoux à travers l’Histoire. Et sous l’Ancien Régime par exemple, parures et ornements sont réservés à l’aristocratie, comme des signes de pouvoir social. « Ce qui compte c’est de briller, ils servent à montrer la richesse, la puissance, l’éclat », indique Pascale Cugy, chercheuse en histoire de l’art moderne à l’Université Rennes 2 et spécialiste des images de mode. 

Nouvelle silhouette


C’est au 19e siècle, après la Révolution française, que la bascule s’amorce. « Le changement de régime politique est aussi un changement culturel, on renonce aux fastes de l'Ancien Régime sous l'influence de la mode anglaise, et un nouvel idéal masculin, moins extravagant, se diffuse », retrace Aurélie Chatenet-Calyste, chercheuse en histoire moderne à l’Université Rennes 2. La silhouette des hommes change, leste ses colifichets et s’assombrit. « C’est désormais sa femme qui porte les bijoux, les couleurs et les ornements ; on pourrait presque dire qu’elle devient le bijou de l’homme », analyse Pascale Cugy.De fait, orner sa femme et ses maîtresses de coûteuses parures est alors « une manière d’afficher son propre statut social », acquiesce Emmanuelle Amiot. En outre, l’invention du strass, au 18e siècle (d’abord porté à la cour), entraîne peu à peu une diffusion sociale du bijou vers les classes moyennes qui les portent au siècle suivant dans une logique d’imitation des puissants. Les parures restent donc, malgré tout, un moyen de témoigner de sa classe sociale.

Des rois de France au hip-hop


Pourtant, même si la norme évolue et que les bijoux masculins se sont différenciés de ceux portés par les femmes, ils ne disparaissent pas totalement. Ils s'inscrivent plutôt « dans un mouvement de contre-culture », décrypte l’historienne de l’art. Au 19e siècle, les dandys1 comme Oscar Wilde revendiquent le fait de se parer et au 20e, nombreux sont les hommes qui portent des bijoux dans divers courants aux marges de la société, comme les rockers ou les bikers. « Selon les époques, la virilité se met en scène différemment, observe Aurélie Chatenet-Calyste. La fantaisie vestimentaire des rois de France ne remettait pas en cause leur masculinité, tout comme les vestes ouvertes sur des chaînes qui brillent dans la communauté hip-hop ne sont pas des signes de féminité. »

Tour à tour signes de puissance, de richesse, de réussite ou d’appartenance à une communauté, les bijoux sont bien plus que des marqueurs de genre associés à la féminité. Une vision quelque peu réductrice de ces apparats qui prolongent un peu nos personnalités sur les corps.

Violette Vauloup

1. Le dandysme est un courant de mode né en Angleterre au début du 19e siècle, notamment caractérisé par le fait que les hommes apportent un soin particulier à leurs manières, ainsi qu'à l'élégance de leur toilette.

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