Qui de la plume ou de l’oiseau...

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N° 254 - Publié le 9 décembre 2014
© Université de Rennes1
Ces plumes, emprisonnées dans l’ambre depuis 100 millions d’années, apportent une nouvelle pierre à la théorie de l’évolution.

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Des chercheurs de Rennes ont mis au jour des plumes âgées de 100 millions d’années, d’une forme inconnue.

Les plumes peuvent avoir du poids. Celles retrouvées par deux paléontologues rennais dans un morceau d’ambre rapporté de Charente-Maritime apportent une pierre à la théorie de l’évolution.
« Jusqu’alors, nous connaissions le duvet retrouvé chez certains dinosaures, et les plumes modernes des oiseaux, mais certaines étapes entre ces deux stades étaient encore inconnues », explique Loïc Marion(1), ornithologue à l’Université de Rennes1. Avec les paléontologues Didier Néraudeau, professeur à l’Université de Rennes1, et Vincent Perrichot, il apporte une réponse sur une étape décisive du développement des plumes.

La collaboration a débuté en 2004, lorsque Vincent Perrichot, du laboratoire de paléontologie de Rennes1, repère au microscope sept plumes à travers les fines lamelles d’ambre qu’il a soigneusement découpées. Soupçonnant une découverte importante, il fait appel à l’ornithologue. « Ces plumes ne ressemblent à rien de ce que je connais, confie Loïc Marion. Le duvet ordinaire est comme un plumeau : ce sont des filaments tous reliés à une même base. Et sur une plume moderne, ces filaments, les barbes, sont accrochés le long d’un axe central bien distinct. Là, ce sont les barbes elles-mêmes qui se rassemblent pour former l’axe, comme un tronc de bananier. » Cette étape, logique en théorie, était jusqu’alors omise dans les stades officiels de l’évolution des plumes. La preuve, difficile à obtenir, doit beaucoup au hasard.

Passées aux rayons X

C’est en 1999, alors qu’il recherche des oursins fossiles, que Didier Néraudeau découvre des gisements d’ambre dans une carrière inondée de Charente-Maritime. « Je savais que l’ambre pouvait contenir des fossiles. C’est une résine, elle peut emprisonner et conserver de très petits éléments. » Mais l’ambre des carrières n’est pas aussi clair que celui des bijoux. « C’est un matériau laiteux, voire opaque. Au mieux, il ressemble à du miel trouble », confirme Didier Néraudeau. Les premiers clichés en deux dimensions, réalisés en 2004, ne sont pas suffisamment clairs pour révéler l’originalité des plumes. La théorie de l’évolution des plumes reste avec ses étapes manquantes. Il faut attendre décembre 2007, près de dix ans après l’extraction de l’ambre, pour que la solution survienne.

La résine passe sous des rayons X, dans le synchrotron de Grenoble. « Cela nous a permis d’avoir des images en trois dimensions, à travers l’ambre, et de convaincre les comités de lecture des revues scientifiques de la véracité de nos propos ! ajoute Loïc Marion. Nous n’avons pas modifié la classification des plumes, juste apporté une preuve manquante à l’histoire de leur évolution. Cette découverte ne manque pas d’irriter les créationnistes, qui ont déjà vivement réagi à notre article sur Internet. » Une quinzaine de mètres au-dessus du gisement d’ambre, les paléontologues(2) ont retrouvé une dent identique à celles de certains dinosaures emplumés retrouvés en Chine. Entre oiseaux et dinosaures à plumes, le fossé se resserre.

Céline DUGUEY

(1)Loïc Marion travaille dans l’unité de recherche Écologie biodiversité et évolution de l’Université de Rennes1. Il est coauteur, avec Didier Néraudeau et Vincent Perrichot, d’un article publié en janvier dans Proceedings of the Royal Society.
(2)Didier Néraudeau, professeur, et Romain Vullo, doctorant dans l’UMR Géosciences de l’Université de Rennes1.

Loïc Marion
Tél. 02 23 23 61 44
loic.marion [at] univ-rennes1.fr (loic[dot]marion[at]univ-rennes1[dot]fr)
Didier Néraudeau
Tél. 02 23 23 65 96
didier.neraudeau [at] univ-rennes1.fr (didier[dot]neraudeau[at]univ-rennes1[dot]fr)

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