Première mondiale, des chimistes rennais ont tenté une expérience en conditions extrêmes. Avec brio !
Enfermé dans un tube de quartz, entouré d’un nuage de laine de verre, un matériau poudreux est plongé dans un flux d’hydrogène chauffé à 700°C. C’est dans le réacteur nucléaire de l’Institut Laüe-Langevin (ILL) à Grenoble, que les chimistes de l’Université de Rennes1, en collaboration avec l’université d’Oxford et des ingénieurs de l’ILL, ont réalisé leur exploit.
Non autorisé avant
« L’hydrogène porté à haute température est explosif, explique Mona Bahout, responsable de ce projet. D’ailleurs, avant nous, ce type d’expérience n’était pas autorisé. Nous avons réussi en utilisant une dose minimale : 5% d’hydrogène dilué dans l’hélium, un gaz inoffensif. Mais il a fallu insister auprès des ingénieurs de sécurité pour les convaincre qu’il n’y avait pas de risques!»
L’expérience, première à suivre en temps réel le comportement d’un matériau en interaction avec de l’hydrogène, constitue en elle-même une véritable avancée pour la communauté scientifique. Tentée la première fois en juin 2008, elle a fait l’objet de publications dans des journaux scientifiques renommés en mars dernier(1). Mais elle a surtout rempli son objectif premier : comprendre les réactions du matériau poudreux dans des réactions extrêmes. « C’est un oxyde, un composé avec de l’oxygène, détaille Florent Tonus, en thèse dans l’équipe chimie du solide et matériaux(2), nous nous y intéressons pour améliorer l’efficacité des piles à combustible. » Dans ces piles aussi, l’oxyde est plongé dans de l’hydrogène chauffé. « Chose étrange, au lieu de se détruire, comme la plupart des oxydes en présence d’hydrogène, nous avons remarqué qu’il perd juste un atome d’oxygène. Mais nous ne savions ni où, ni comment », poursuit le chimiste.
Pour visualiser le phénomène, l’oxyde a été la cible continue d’un rayon de neutrons pendant 24heures. L’intensité du signal retour donne des informations précieuses sur les atomes d’oxygène rencontrés.
Là où part l’oxygène
« Nous avons pu suivre l’évolution de la structure en temps réel, comme si nous l’avions filmée, reprend Mona Bahout, et voir d’où partait l’oxygène fugitif. » Ces résultats ont aussi prouvé que l’hydrogène dilué ne perturbait pas le trajet des neutrons. Déjà reproduite en avril dernier, l’expérience doit être reconduite avec un nouvel oxyde, du 12 au 16 octobre prochain. À terme, ce protocole pourrait permettre d’observer comment l’hydrogène s’insère dans des matériaux, et répondre au problème de stockage du plus simple des éléments chimiques.
(1)ChemComm en mars dernier et les “highlights” de Nature, mars 2009.
(2)UMR6226, Sciences chimiques de Rennes.
Mona Bahou
Tél. 02 23 23 69 81
mona.bahout [at] univ-rennes1.fr (mona[dot]bahout[at]univ-rennes1[dot]fr)
Florent Tonus
florent.tonus [at] univ-rennes1.fr (florent[dot]tonus[at]univ-rennes1[dot]fr)
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