Quatre principes pour une loi

N° 279 - Publié le 8 juillet 2014
© AFP PHOTO - Sam PANTHAKY
Rendu légal en 2002 en Inde, le recours à des mères porteuses constitue une source importante de revenus pour les femmes indiennes. Pionnière dans le développement de cette pratique, le docteur Nayna Patel (à gauche) est photographiée en mars 2010 avec un couple britannique et leur fils de 7 jours.

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En France, la bioéthique repose sur des principes forts, qui devraient être réaffirmés lors de la révision de la loi.

Pour ? Contre ? Qui connaît l’opinion de ses proches sur le don d’organe. Le sujet est rarement abordé en repas de famille, entre le fromage et le dessert. Ce serait pourtant l’endroit idéal. Car en France, le don repose sur le consentement présumé. Si vous n’avez pas fait savoir que vous êtes contre – en vous inscrivant sur un registre national des refus, ou en le disant clairement à vos proches –, alors vous êtes considéré consentant.

Des principes en débat

« Même si, dans la pratique, l’avis de la famille est pris en compte si l’équipe soignante ne trouve pas de traces claires d’opposition. Et s’il y a refus, il est respecté, même s’il y a une urgence. La loi est protectrice, elle place la position de l’individu au-dessus des bienfaits pour la société. Elle affirme que le corps humain n’appartient qu’à lui-même. » (Lire aussi p.17).

Le consentement présumé, c’est l’un des « quatre grands principes de la bioéthique en France, avec la gratuité, l’anonymat, et la non-marchandisation du corps humain, explique Didier Noury, responsable de l’antenne grand Ouest de l’Agence de la biomédecine, ceux qui sont affirmés dans les lois de 2004, et qui devraient le rester après la révision. » Ils ne sont pas pour autant gravés dans la pierre. « L’anonymat pose beaucoup de questions pour le don de sperme ou d’ovocytes par exemple, poursuit le médecin, pour l’instant, il est interdit de divulguer l’identité du donneur, mais s’y oppose le droit de l’enfant à connaître ses origines notamment. Ce fut l’un des gros points de débat lors des états généraux. » (Lire p.14).

Faut-il payer les donneurs ?

Comparer avec nos voisins peut aussi poser des questions. En France, le don d’ovocytes est nettement inférieur à ceux de l’Espagne ou de la Belgique, qui autorisent la rémunération. Serait-elle la solution pour motiver des donneuses potentielles ? Mais « en donnant une contrepartie financière, on achète le consentement en quelque sorte, et cela lui enlève une partie de sa valeur morale. » Le don reste-t-il un don ? Et puis, cela va à l’encontre de la non-marchandisation du corps humain, cette idée que l’homme ne peut pas être considéré comme un produit à vendre. « Cette idée est défendue par tous les pays, souligne Didier Noury, elle permet d’affirmer aussi qu’il est interdit de breveter un gène. » C’est peut-être la plus stable des bases de la bioéthique. 

Bioéthique : 60 ans de réflexion

1950
Développement des recherches sur l’homme, pratique des premières greffes et premières découvertes dans le champ de la génétique. Le corps humain devient un gisement d’éléments précieux. La médecine s’oriente vers une “biomédecine”.

1960-1970
Apparition du terme bioéthique et mise en place d’un système d’examen des conditions éthiques des recherches sur l’homme, aux États-Unis.

1974
Création du comité d’éthique de l’Inserm en France.

1981
Création du Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Le CCNE ne prend pas de décisions : composé de médecins, de sociologues, de juristes, de représentants des principales familles philosophiques et spirituelles, il rend des avis. C’est le début de l’institutionnalisation du débat d’abord sur les problèmes moraux soulevés par la recherche, puis à partir de 1994 sur les problèmes éthiques et les questions de société engendrés par les progrès de la connaissance.

1994
Adoption de trois lois bioéthiques sur :
1/ le statut juridique du corps humain ;
2/ les règles relatives au don et à l’utilisation des produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal ;
3/ le traitement des données nominatives à des fins de recherche en santé.
Création de l’établissement français des greffes (établissement public national) en remplacement de l’association France Transplant.

1998-1999
Réexamen de la “seconde” loi “bioéthique” relative aux pratiques médicales.

2004
Adoption de la “loi relative à la bioéthique” sur l’ensemble des pratiques médicales et/ou de recherche dont l’objet est le corps humain et l’embryon en tant que ressource ou entité biologique.
Création de l’Agence de la biomédecine, compétente dans les domaines de la greffe, de la reproduction, de l’embryologie et de la génétique humaine. Elle veille à l’application des règles dans ces différents domaines.

2009
Organisation des états généraux en vue du réexamen de la loi de 2004.

Le réexamen de la loi relative à la bioéthique : origine, méthodes et objectifs, professeure Dominique Thouvenin, titulaire de la chaire Droit de la santé et éthique, Centre de recherche Droit, sciences et techniques, (CRDST), UMR 8103, Paris 1-Panthéon-Sorbonne, Regards sur l’actualité, n°356, décembre 2009, p.8-22.
Céline Duguey

Didier Noury Tél. 02 99 28 41 23
didier.noury [at] biomedecine.fr (didier[dot]noury[at]biomedecine[dot]fr)

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