Le jour où des humains ont marché sur la Lune
Retour sur la Lune
Exploit technique, événement politique et spectacle médiatique, la mission Apollo 11 reste encore aujourd’hui le point d’orgue de la conquête spatiale.
16 juillet 1969, 13h32 UTC. La fusée Saturn V décolle du Centre spatial Kennedy, en Floride. À bord, trois hommes américains : Neil Armstrong, Buzz Aldrin et Michael Collins. L’équipage aurait pu inclure des femmes, treize pilotes ayant été formées avec parfois plus de succès que les hommes au début des années 1960, mais l’initiative fut interrompue par le vice-président Lyndon B. Johnson.
Magnifique désolation
Pour les astronautes, la mission est risquée. Un discours présidentiel est même prévu en cas de non-retour. Alors quand, après plus de quatre jours de voyage, le module d’alunissage se pose à la surface du satellite, le centre de contrôle de Houston (Texas), explose de joie : « Vous avez une bande de gars sur le point de devenir bleus, nous respirons à nouveau ! » Quelques heures plus tard, le 21 juillet à 2h56, Armstrong devient le premier humain à poser le pied sur un sol extraterrestre, avec des mots si fameux qu’il semble presque inutile de les rappeler. Aldrin, lui, parle de « magnifique désolation » devant le paysage. Pendant deux heures et trente et une minutes, les deux hommes prélèvent des échantillons de sol et installent des équipements scientifiques. Ils rejoignent ensuite Collins, resté en orbite, et amerrissent dans le Pacifique le 24 juillet.
Au-delà de l’exploit technique, le premier pas sur la Lune est « éminemment politique », souligne Xavier Pasco, docteur en sciences politiques à Paris et directeur de la Fondation pour la recherche stratégique, spécialiste de la politique spatiale américaine. Avec la Guerre froide, l’Espace est devenu un terrain d’affrontement symbolique entre les États-Unis et l’URSS. D’ailleurs, Kennedy lance la course à la Lune en 1961, quelques semaines après le premier vol habité de Youri Gagarine. « Le succès d’Apollo 11 renverse la vapeur dans la Guerre froide », remarque le chercheur. L’événement porte une telle charge politique qu’on en oublierait presque la science. Il faut dire qu’« il n’y avait pas d’utilité technique stratégique à envoyer des hommes sur la Lune et les conseillers scientifiques de Kennedy étaient opposés à la mission », explique Xavier Pasco.
Affaires symboliques
Plus de 3 000 journalistes assistent au lancement, les chaînes étrangères diffusent 230 heures d’émission en huit jours et les premiers pas sont retransmis en direct devant 500 à 600 millions de téléspectateurs1. Dès les débuts d’Apollo, la Nasa se préoccupe de la manière de montrer l’effort. « Rien n’est laissé au hasard, tout est scénarisé jusqu’à la phrase d’Armstrong préparée en amont », indique Arnaud Saint-Martin, sociologue au CNRS rattaché au CESSP2 et co-auteur d’Une histoire de la conquête spatiale3. Une commission des activités symboliques est même chargée de réfléchir aux objets emportés sur la Lune. Finalement, peu de doute : l’événement est entré dans l’Histoire. « On ne peut pas dire qu’il ne s’est rien passé le 21 juillet 1969 », euphémise le chercheur.
1. L’antenne de Pleumeur-Bodou (22) fait partie de celles qui ont rendu possible la retransmission en Europe.
2. Centre européen de sociologie et de science politique.
3. Avec Irénée Régnauld, aux éditions La fabrique (2024).
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du magazine Sciences Ouest