Des pucerons hauts en couleur

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N° 283 - Publié le 19 juin 2014
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Des biologistes rennais viennent de montrer que certains pucerons passent du rose au vert et échappent ainsi aux prédateurs.

Vert, jaune, rose... toutes les couleurs de pucerons sont dans la nature. Mais certains ne semblent pas satisfaits de celle qui leur a été attribuée au départ : ils passent du rose au vert en grandissant !

Et ce, sous l’action d’une bactérie qui se développe à l’intérieur même de l’insecte. C’est la découverte des chercheurs de l’Inra de Rennes, publiée dans Science en novembre. « Tous les pucerons hébergent la même bactérie, explique Jean-Christophe Simon, directeur de l’unité de recherche Bio3P(1), qui s’intéresse depuis longtemps à ce ravageur des cultures, elle leur fournit des molécules indispensables à leur survie, à partir de la sève des plantes. » Mais certains pucerons vivent avec une, voire deux bactéries “facultatives” supplémentaires. Elles permettent de s’adapter au climat, de mieux exploiter certaines plantes, ou de se défendre contre les ennemis naturels.

La bactérie responsable du changement de couleur s’appelle Rickettsiella. « Nous l’avons découverte par hasard. Nous avions élevé des populations de pucerons du pois récoltées dans la nature. Et nous avons constaté que certains individus naissaient roses avant de passer au vert ! » Les scientifiques ne tardent pas à identifier Rickettsiella chez ces “recolorés”. Restait à prouver que c’était elle, la responsable. Pour cela, les Rennais s’associent à des collègues japonais. « Grâce à des antibiotiques bien ciblés, ils ont éliminé la bactérie, pour obtenir des lignées roses “saines”. Nous en avons réinfecté certaines avec Rickettsiella. Le résultat était net : seules ces dernières changeaient de couleur après trois ou quatre jours. »

Ces pucerons-là n’aimaient-ils pas le rose ? « En fait, il a été montré que les pucerons roses étaient plus attaqués par certains prédateurs, comme les coccinelles. Par contre, les verts sont plus sensibles au parasitisme de minuscules guêpes, qui pondent dans l’insecte et finissent par le tuer. » Coïncidence surprenante, Rickettsiella cohabite souvent avec une autre bactérie, qui, elle, préserve de ce danger. Le puceron semble donc gagner sur les deux tableaux, et les bactéries assurent leur survie, puisqu’elles se transmettent de mères en filles. « Nous allons poursuivre, pour savoir si les pucerons porteurs des deux sont véritablement épargnés par leurs ennemis. Et aussi pour comprendre le mécanisme qui induit ce changement de couleur. » Les premières hypothèses semblent indiquer que les bactéries interfèrent sur l’action de pigments verts dans l’organisme du puceron. Et plus elles sont présentes, plus les pucerons verdissent... de peur ?

Jean-Christophe Simon
Tél. 02 23 48 51 54
jean-christophe.simon [at] rennes.inra.fr (jean-christophe[dot]simon[at]rennes[dot]inra[dot]fr)

(1) Bio3P : Biologie des organismes et des populations appliquée à la protection des plantes.

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