Des robots qui miment les animaux
Actualité
Les vertèbres du robot Angels peuvent se disloquer et se déplacer indépendamment les unes des autres.
Des ingénieurs nantais ont conçu des robots hybrides : ils nagent, plongent comme des anguilles et se repéreront bientôt à la manière des poissons électriques.
À l’École des mines de Nantes (EMN), on imagine déjà Raamo(1) et Angels(2) inspectant les canalisations des centrales nucléaires, des plates-formes pétrolières, voire même des égouts. Capables de nager et de plonger, ces robots-anguilles sont promis à des applications nombreuses quoique encore lointaines.
Concevoir des robots bio-inspirés n’est désormais plus la lubie d’une poignée de chercheurs. En avril dernier, 150 spécialistes du monde entier étaient réunis à l’EMN à l’occasion du premier colloque du genre organisé en France. « S’inspirer des animaux nous permet d’imaginer comment concevoir des robots capables de se déplacer de manière autonome, ce qui s’est révélé impossible avec une robotique plus classique basée sur l’intelligence artificielle, remarque Frédéric Boyer, organisateur du colloque et professeur de robotique à l’EMN. En observant la nature, on s’aperçoit vite que l’intelligence n’est pas le seul fait du cerveau. Chez beaucoup d’animaux et notamment chez les poissons, les reptiles ou encore les insectes, elle est “incarnée” dans leur corps. Agissant par réflexe, les biorobots pourront, contrairement aux robots traditionnels, décider de leur trajectoire sans avoir à y réfléchir. »
- Ce robot-libellule hollandais a été conçu pour effectuer des vols stationnaires.
Très discret, il peut être utilisé pour prendre des photos.
© Julie Danet
Apprendre à nager en 3D
Avant de mimer la nature, encore faut-il l’observer et la comprendre. Les ingénieurs de l’EMN et de l’Irccyn(3) collaborent ainsi étroitement avec des biologistes, des mathématiciens, des électroniciens, des mécaniciens... Reproduire “robotiquement” la nage en trois dimensions a ainsi exigé dans un premier temps, d’observer les mouvements naturels des anguilles puis de les modéliser afin de déterminer les paramètres conditionnant leur efficacité. Selon Eva Kanso, professeure à l’université de Californie du Sud (USA), présente au colloque, « Contrairement à ce que l’on pouvait croire, il est possible de nager à contre-courant sans effort, simplement en exploitant les forces hydrodynamiques. Les robots utilisant ce principe consomment moins d’énergie pour se déplacer et gagnent ainsi en autonomie. » Mais pour être entièrement autonomes, les robots doivent également apprendre à détecter et à éviter n’importe quel obstacle afin de s’affranchir du téléguidage.
« Plutôt que d’opter pour la vision, déjà reproduite en robotique, nous avons choisi d’innover et de pourvoir Raamo et Angels d’un sens original connu de certains poissons d’Amérique du sud et d’Afrique : l’électrolocation », annonce Frédéric Boyer.
Nocturnes ou vivants dans des eaux turbides, ces poissons sont capables de générer un champ électrique autour de leur corps, lequel se déforme au contact d’un objet. Grâce à ce sens électrique, le poisson peut non seulement percevoir un objet, mais également savoir si celui-ci est vivant ou inerte.
Un sens électrique
« Nos robots seront prochainement équipés de capteurs électriques mimant les fonctions de l’organe émetteur caudal des poissons et leurs électro-récepteurs cutanés. Ils pourront ainsi reconstituer une image de leur environnement », souligne Frédéric Boyer. Mis au point à l’EMN, le prototype de ces capteurs électriques sera prochainement breveté. Petit plus d’Angels : ses “vertèbres” sont en fait des petits modules capables de se détacher, de se déplacer indépendamment les uns des autres grâce à de petites hélices, de communiquer entre eux et se rattacher. En se disloquant, il pourra ainsi inspecter rapidement de vastes zones. Si la première mise à l’eau du robot intégral Angels est prévue pour la fin 2012, Raamo devrait quant à lui nager seul dans son bassin dès cet été.
Des robots à gogo
Outre Raamo et Angels, quelques robots parmi les plus avancés ont eu l’occasion, lors du colloque, de montrer de quoi ils étaient capables : la salamandre mise au point par l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL, Suisse) a ainsi marché sur la terre ferme avant de rejoindre le bassin de démonstration et d’y nager, tandis que les libellules créées par des chercheurs japonais virevoltaient dans le hall de l’EMN. L’un des plus aboutis et malheureusement absent, reste cependant le robot-serpent japonais : il rampe, il nage et grimpe même aux arbres. À les regarder, on les prendrait presque, l’espace d’un instant, pour des bêtes vivantes !
Frédéric Boyer Tél. 02 51 85 83 08
frederic.boyer [at] emn.fr (frederic[dot]boyer[at]emn[dot]fr)
Eva Kanso
kanso [at] usc.edu (kanso[at]usc[dot]edu)
(1)Projet Raamo : Robot-anguille autonome en milieu opaque.
(2)Projet européen Angels : Anguilliform robot with electric sense.
(3)Irccyn : Institut de recherche en communications et cybernétique de Nantes.
Frédéric Boyer
02 51 85 83 08
frederic.boyer [at] emn.fr (frederic[dot]boyer[at]emn[dot]fr)
Eva Kanso
kanso [at] usc.edu (kanso[at]usc[dot]edu)
TOUTES LES ACTUALITÉS
du magazine Sciences Ouest