Lutter contre l’excès de sel
Les industriels sont accusés de mettre trop de sel dans leurs produits. Une entreprise rennaise a trouvé la solution.
On en consomme en moyenne trois fois trop. Certains en rajoutent avant d’avoir goûté leur plat. Il est sur toutes les tables et se cache même dans des aliments où on ne l’attend pas... Comme en France, où l’aliment le plus pourvoyeur de sel est... le pain ! Car ce n’est pas la salière qui est en cause, mais bien les aliments transformés par l’industrie agro-alimentaire qui représentent à eux seuls trois quarts des apports en sodium avec, outre le pain, les plats cuisinés, la charcuterie, les fromages et même les biscuits. Le problème du sel, c’est qu’il n’est pas seulement un exhausteur de goût et un bon conservateur. Il favorise aussi certaines colorations, comme celle de la croûte du pain, et joue un rôle dans la texture des aliments : un jambon qui manque de sel va devenir impossible à trancher. Dans certains fromages, c’est encore grâce au sel que les moisissures apparaissent.
Un mélange breveté de minéraux
D’où l’intérêt que Nutrionix, une jeune entreprise rennaise, porte aux industries agroalimentaires. « Il ne suffit pas de dire aux industriels qu’il faut diminuer la quantité de sel, il faut les aider à trouver des solutions qui ne remettent pas en cause leur procédé de fabrication et qui ne modifient pas les propriétés organoleptiques du produit final », explique Virginie Guillerm, ingénieur projets agro-alimentaires. En 2007, l’entreprise a mis au point un mélange de minéraux essentiels, Ksalt, dans lequel une partie du sodium a été remplacée par du potassium(1) (lire encadré ci-dessous). Brevetée, Ksalt garantit une diminution du taux de sodium, tout en conservant à l’aliment ses autres propriétés.
Nutrionix compte aujourd’hui une trentaine de clients et accompagne une centaine de projets de R&D en cours. Depuis octobre dernier, la PME est aussi impliquée dans un projet collaboratif labellisé par le pôle de compétitivité Valorial dans un travail avec deux industriels : un producteur de saumon fumé (Meralliance) et un fabricant de charcuterie (Madrange). « C’est en réfléchissant à l’impact de la réduction du taux de sel sur la conservation, que nous avons rencontré ces deux entreprises, explique Marylise Beaucreux, en charge du projet. Entre Madrange qui souhaite travailler sur trois produits différents : du jambon, un pâté, une mousse, et le saumon de Meralliance, nous menons finalement quatre projets en parallèle. Car les formulations de Ksalt sont réalisées sur mesure, elles sont spécifiques à chaque type de produit et à chaque ligne de production. »
L’augmentation des problèmes d’hypertension et des accidents cardio-vasculaires cérébraux en lien avec une surconsommation de sel n’est plus à démontrer. « L’Anses(2) tire quand même la sonnette d’alarme depuis plus de 10 ans !, souligne Virginie Guillerm. Pour autant, le sel n’a jamais été une priorité dans les précédents plans nutrition santé qui ont plutôt fait la chasse aux sucres et aux matières grasses. » Cette situation est en train de changer et l’implication des industriels risque de se généraliser.
Le goût des consommateurs
Mais la raison de la passivité des industriels n’est pas technique. « Certains projets que nous avons accompagnés sont prêts, mais non mis en œuvre. Nous avons encore des clients qui ont déjà diminué le taux de sodium de leurs produits, mais qui ne souhaitent pas communiquer sur cette réduction car ils se méfient de la perception des consommateurs. » Le “régime sans sel” reste connoté à des plats insipides servis à l’hôpital. « Les consommateurs ne se sentent pas malades et, surtout, ils n’ont pas conscience de consommer trop de sel », conclut Virginie Guillerm. Il faut que le message passe.
Le sel, le sodium et le potassium
Le sel est le nom usuel du chlorure de sodium (NaCl). 1g de sel contient 0,4g de sodium. Ce n’est pas le sel qui est dangereux pour la santé, c’est le sodium (Na). Et plus précisément, c’est le déséquilibre entre l’ion potassium (K+) et l’ion sodium (Na+) qui pose problème. Car dans une cellule, ces deux ions sont liés : ils circulent selon deux flux opposés. « Tout irait bien si nous mangions plus d’ions potassium, précise Virginie Guillerm, ingénieur chez Nutrionix (lire article ci-dessus), que l’on peut trouver dans les fruits et les légumes. » Le souci, c’est qu’il nous faudrait manger trois fois plus de fruits et légumes pour compenser le surplus de sodium ; et encore trois fois plus pour inverser la tendance et faire réellement diminuer le taux de sodium.
(1)Lire “Comment saler sans sel ?” dans Sciences Ouest n°281-novembre 2010.
(2)Anses : Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ex-Afssa).
Virginie Guillerm
v.guillerm [at] nutrionix.com (v[dot]guillerm[at]nutrionix[dot]com)
Marylise Beaucreux
m.beaucreux [at] nutrionix.com (m[dot]beaucreux[at]nutrionix[dot]com)
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