Un mécano moléculaire
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Nanotechnologies À l’Institut de physique de Rennes des chercheurs maîtrisent des assemblages à l’échelle moléculaire.
Le résultat vient d’être publié(1), mais cela fera bientôt dix ans qu’ils font des tubes. Franck Artzner, directeur de recherche à l’Institut de physique de Rennes et le laboratoire pharmaceutique Ipsen (Barcelone) n’en sont pas à leur premier essai(2).
Ipsen commercialise un médicament connu sous le nom d’Autogel®, utilisé pour soigner la maladie du gigantisme. Son principe actif, qui s’apparente à une hormone naturelle, est composé d’un enchaînement de la même molécule : le lanréotide. Dans l’eau, ce peptide composé de huit acides aminés a la particularité de former des dimères (assemblage de deux molécules) qui, à leur tour, s’assemblent entre eux et forment des tubes. Cette capacité a été décortiquée par quatre partenaires(3), dont une équipe de l’IPR, dans le cadre d’un projet ANR mené de 2006 à 2010.
Une question d’architecture
« Nous nous sommes intéressés aux points de contact entre les dimères, dans l’idée d’influencer l’architecture des nanotubes, explique Franck Artzner. Et plus particulièrement leur diamètre. » C’est là toute la subtilité du projet : arriver à sélectionner un remplaçant assez proche de l’acide aminé qui fait le contact (le tryptophane) pour que les tubes continuent à se former, et en même temps suffisamment différent pour avoir une influence sur le diamètre. Ce fut le cas de 17 molécules sur les cinquante testées. « Le paramètre à faire varier a été déterminé par un modèle géométrique, poursuit Franck Artzner. C’est la largeur de la molécule de contact sur la paroi interne qui influence le rayon de courbure des dimères et, au final, le diamètre total du tube ».
Au nanomètre près
Les premières mesures, préliminaires, ont commencé au laboratoire dès 2003. Deux passages au synchrotron Soleil(4), plus tard, le résultat est double : les chercheurs ont non seulement compris comment se forment ces nanotubes, mais ils peuvent maintenant prévoir et choisir leur diamètre. Les nanotubes de lanréotide mesurent naturellement 24,4nm de diamètre. Grâce à ces travaux, ils peuvent maintenant être compris entre 10 et 36nm. Ce véritable mécano à l’échelle de l’atome intéresse l’industrie pharmaceutique car les tubes peuvent servir à transporter des principes actifs et à les diffuser de manière différée dans l’organisme. « En tant que chimistes des matériaux, nous les envisageons comme des moules ou des échafaudages, pour fabriquer des nanotubes de silice sur mesure, par exemple. Ils peuvent aussi servir de filtres. » La suite reste encore à inventer...
(1)Control of peptide nanotube diameter by chemical modifications of an aromatic residue involved in a single close contact : PNAS, mai 2011. (2)Lire “Des nanotubes en verre qui grandissent tout seul...” dans Sciences Ouest n°244 - juin 2007. (3)Ipsen, deux équipe du CEA/Saclay et les UMR 625 6026 CNRS/Université de Rennes1. (4)Lire “Les Bretons ont besoin de Soleil dans Sciences Ouest n°272 - janvier 2010.
Franck Artzner Tél. 02 23 23 58 22
franck.artzner [chez] univ-rennes1.fr (franck[dot]artzner[at]univ-rennes1[dot]fr)
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