Une minicentrale à la maison
Et si votre chaudière produisait l’électricité, avec de l’hydrogène ? Déjà une réalité au Japon et bientôt chez nous.
Le projet triannuel Osmosys, auquel est associé le centre technique Irma (Institut régional des matériaux avancés), à Lorient, vient d’être lancé. L’objectif est de concevoir une chaudière de maison individuelle, fonctionnant à l’hydrogène. De la taille d’un frigo, elle ne servira pas seulement à chauffer l’eau... elle produira aussi de l’électricité pour toute la maison ! Ce n’est pas de la fiction : 10 000 chaudières fonctionnent selon ce principe au Japon, même si ce projet, soutenu par l’État nippon, est très coûteux. De son côté, l’Allemagne a déjà lancé des recherches sur ce type de chaudière. À l’Irma, la recherche appliquée concerne notamment la production d’énergie électrique, en utilisant l’hydrogène. Le centre technique maîtrise la production d’hydrogène à partir d’hydrocarbures, par exemple le méthane, le propane, le GPL, le gazole ou le kérozène. La transformation chimique, appelée réformage, consiste à donner naissance à un mélange riche en hydrogène (plus de 70%). La boîte où les réactions catalytiques ont lieu est un “réformeur”.
Une puissance de 1 kilowatt
Ce savoir-faire complète celui d’un partenaire du projet Osmosys, la société Ser-Energy, spécialisée dans la technologie des piles à combustible appelée HTPEM (High Temperature Polymer Electrolyte Membrane). Ces piles transforment l’hydrogène en électricité, sans émission de CO2, et produisent de l’eau et de la chaleur. La température est de 150°C. Le concept de ces chaudières, autonomes en eau, consiste à associer un réformeur, conçu à l’Irma, avec cette pile Ser-Energy.
« Nous visons une puissance de 1kW, distribuée en permanence, explique Christian Hamon, directeur de l’Irma. Cela correspond au besoin moyen d’une maison. La puissance générée est constante et stockée sur une batterie, pour gérer les pics de consommation. » L’un des objectifs est d’optimiser le rendement électrique, pour atteindre environ 38%, comme au Japon. « Nous devrions terminer le réformeur en 2012. L’intégration se fera en 2013 et les prototypes chez l’habitant sont programmés en 2014. Pour l’industrialisation, il faut compter encore 5 ans en général. »
L’hydrogène nécessaire au fonctionnement de la chaudière sera donc extrait, via le réformeur, du gaz naturel déjà distribué - ce n’est pas encore de l’hydrogène vert ! Mais lorsqu’un réseau de distribution d’hydrogène, comme il en existe notamment au Danemark et aux Pays-Bas, permettra d’alimenter directement la chaudière ? Le réformeur de l’Irma deviendra alors inutile ! D’ici là, grâce à ce type de projet, le centre lorientais aura acquis des compétences, complémentaires et précieuses, sur les piles à combustible.
Sur des navires
D’autres projets, associant des réformeurs de l’Irma et des piles à combustible, ont déjà été menés. Notamment avec le motoriste Snecma, pour créer des boîtes (appelées Gen-Box) embarquées sur des navires ou des camping-cars, et produisant de l’électricité. À terme et avec d’autres partenaires, des boîtes de ce type utiliseront non plus du gaz propane, mais du gazole, avec pour objectif la propulsion électrique ! Un peu comme un groupe électrogène classique, à quelques (grandes) différences près, car il n’y pas de bruit et la pollution est extrêmement réduite. La quantité de CO2 émise est en effet minimale, grâce au bon rendement électrique et, surtout, il n’y a pas d’émission d’oxydes d’azote, ces gaz très polluants dus aux moteurs à combustion.
Le traitement de la pollution atmosphérique et les gaz à effet de serre sont, en effet, la première spécialisation de l’Irma. « Notre métier est la catalyse, rappelle Christian Hamon. Nous prenons un gaz polluant pour en faire un gaz non polluant. » Après 20 ans de recherche et développement, l’Irma réalise 35% de son chiffre d’affaires en vendant des produits et des licences pour traiter la pollution.
AVEC MONTPELLIER ET KARLSRUHE
Les autres partenaires français du projet Osmosys sont le chaudiériste français Auer (coordinateur) et l’Institut de chimie moléculaire et des matériaux de Montpellier. La Région Languedoc-Roussillon est présente, à travers le Pôle Derbi (Développement des énergies renouvelables dans le bâtiment et l’industrie), de l’université de Perpignan et le CNRS. Le projet Osmosys a été validé par ce pôle, dont l’objectif est l’autosuffisance énergétique du Languedoc-Roussillon. Les autres partenaires sont le centre de recherche allemand Eifer (European Institute for Energy Research), à Karlsruhe, et le constructeur de piles à combustible danois Ser-Energy, à Hobro. Cette société, créée en 2006 par des chercheurs de l’Institute of Energy Technology, à l’université de Aalborg, est l’un des rares fabricants industriels européens de piles à combustible. Le bureau d’étude Syngas collabore aussi avec l’Irma sur ces sujets.
RECHERCHE FONDAMENTALE SUR LES PILES A COMBUSTIBLES
Les piles à combustible sont aussi l’objet de recherches fondamentales, à Nantes. « L’un de nos objectifs, dans le cadre du projet européen Effipro, consiste à découvrir des matériaux performants pour des piles à combustible haute température », résume Olivier Joubert, enseignant-chercheur dans l’équipe ST2E, au sein de l’Institut des matériaux nantais (lire p.16-17). Ces chaudières, différentes de celles du projet de l’Irma, libèrent une eau entre 400 et 700°C.
Deux autres projets français sur les piles à combustible (Innosofc et Condor) sont conduits dans l’équipe. Le premier consiste à concevoir une pile, pour une chaudière, dont les matériaux innovants ont une bonne stabilité chimique, contrairement aux piles existantes (lire le paragraphe sur la cathode et l’électrolyte, p.16). L’objectif du second projet est la conception de matériaux évitant la dilution d’hydrogène au sein de la pile.
olivier.joubert@cnrs-imn.fr
Christian Hamon Tél. 02 97 83 55 55
c.hamon [chez] irmatech.com (c[dot]hamon[at]irmatech[dot]com)
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