Pourquoi les plantes sont-elles vertes ?

Actualité

N° 308 - Publié le 8 avril 2013
© JONAS COLLEN

La connaissance du génome d’une algue rouge a permis aux chercheurs de comprendre pourquoi ces dernières n’ont pas colonisé la Terre.

Elles composent la grande majorité de la flore terrestre. Dans la nature, et aujourd’hui en pot dans nos maisons, les plantes vertes ont colonisé la Terre il y a de ça 500 millions d’années, quand les premières algues de la même couleur sont sorties des eaux. Mais si les algues vertes ont franchi le pas, leurs cousines les algues rouges sont restées au fond de l’océan. En étudiant le génome de l’une d’entre elles, Chondrus crispus, des chercheurs ont compris pourquoi vous n’avez pas à arroser les plantes rouges de votre voisin pendant l’été !

Un bon modèle

« Chondrus crispus est une algue rouge très commune, d’une vingtaine de centimètres, rappelle Jonas Collén, biologiste à la Station biologique de Roscoff(1), on la trouve sur les côtes atlantiques. Initialement, elle intéresse car elle est source de carraghénane, un épaississant très utilisé en agroalimentaire. Elle était une bonne candidate pour un modèle scientifique. » En collaboration avec plusieurs laboratoires(2), les chercheurs roscovites ont entamé l’étude de cet organisme pluricellulaire. « Le Génoscope d’Évry

a effectué le séquençage propre pour obtenir de petites séquences brutes, qu’il faut assembler et réordonner pour trouver les gènes. » Cela représente plus d’un an de travail ! « Chez les eucaryotes(3), il y a beaucoup de séquences qui ne codent pas pour des protéines, il faut donc faire le tri. Finalement, nous avons identifié moins de 10000 gènes, ce qui est... très peu ! », assure le chercheur, qui pensait en trouver plus de 15000. « Ce résultat est plus proche de ce que l’on trouve chez les organismes unicellulaires », poursuit le biologiste.

Réduction dans le génome

Intrigués par ce petit score et surtout par la différence avec le génome des algues vertes, bien plus important, les biologistes ont émis une hypothèse : « Il est fort possible que les algues rouges aient subi une réduction de leur génome au cours de leur histoire évolutive, il y a plus d’un milliard d’années, après avoir été exposées à un environnement extrême, comme des températures élevées, ou une pauvreté en nutriments. C’est un phénomène que l’on observe encore au niveau des sources hydrothermales, qui sont les milieux extrêmes d’aujourd’hui, et dans lesquelles on a retrouvé des algues rouges unicellulaires. » Cette perte de gènes pourrait expliquer pourquoi les algues rouges n’ont pas gagné la terre ferme : elles avaient moins d’outils génétiques pour s’adapter aux contraintes de ce nouveau milieu : pesanteur, dessèchement..., contrairement à leurs cousines les algues vertes, dont elles se sont séparées il y a plus d’1,5 milliard d’années.

De nouvelles enzymes

En plus d’éclairer le mystère de l’inexistence des plantes rouges, ces travaux ont permis de fournir de précieux outils aux chercheurs qui s’intéressent à ces espèces. « À Roscoff, par exemple, nous recherchons de nouvelles enzymes. On connaît peu de choses sur la synthèse des carraghénanes, et ces nouvelles données pourraient nous permettre de trouver les gènes qui y participent. » Ces résultats devraient intéresser les industriels locaux, sachant qu’aujourd’hui, la majorité de l’aquaculture d’algues rouges se fait en Asie.

Céline Duguey

(1)UMR CNRS-Université Pierre-et-Marie-Curie.

(2)Dont le laboratoire Écobio de l’Observatoire des sciences de l’Univers de Rennes (Osur). (3)Organismes dont les cellules comportent un noyau et des mitochondries.

Jonas Collén Tél. 02 98 29 23 23
collen [at] sb-roscoff.fr (collen[at]sb-roscoff[dot]fr)

TOUTES LES ACTUALITÉS

Abonnez-vous à la newsletter
du magazine Sciences Ouest

Suivez Sciences Ouest