Des Bretons suivis à la trace grâce à Internet
Informaticien et sociologue, Simon Le Bayon a étudié les traces laissées sur Internet par les Bretons du monde.
Où sont les Bretons dans le monde ? La question est difficile à traiter. « Il est impossible d’obtenir une réponse par une approche démographique, explique Simon Le Bayon, informaticien et sociologue. Comment suivre des personnes qui ont, au fil des années, obtenu une double nationalité ? Ou bien les descendants des émigrés ? » Alors, pendant sa thèse financée par l’Institut de Locarn(1), centre de prospective économique breton, Simon Le Bayon a décidé de pister les traces numériques laissées par les migrants. « Depuis toujours, les migrants utilisent les techniques de communication : lettres, téléphone, aujourd’hui Skype et Internet. L’idée était de rendre compte de cette présence par une cartographie des sites Web d’expatriés bretons. » Ces travaux sont aujourd’hui présentés dans l’exposition du musée de Bretagne, sous forme d’une cartographie interactive, également accessible en ligne.
À New York depuis les années 60
« J’ai recensé les sites Web qui parlent des Bretons et les liens entre ces sites. J’ai également fait de l’analyse de contenus, en allant sur des forums, en suivant des échanges de mails, ou en m’inscrivant à des lettres d’information, et analysé cette quantité de données grâce à différents outils. » Finalement, trois types de collectifs sont ressortis. « Il y a d’abord le collectif associatif dont BZH New York est emblématique. Créé en 2006, il propose des activités sportives, des rencontres régulières, comme le faisait l’association des Bretons de New York dans les années 60 ! Il y a un aspect très familial, voire cérémoniel avec des rassemblements pour Noël, ou le 14 juillet. » Des codes similaires se retrouvent dans les collectifs des Bretons du Havre ou du Japon. Ensuite, il y a les initiatives issues du territoire d’origine. C’est le cas de la Diaspora économique bretonne, menée par l’Institut de Locarn, « L’objectif est de mettre en lien les entreprises bretonnes avec les Bretons à l’étranger. C’est ce que l’on appelle le “brain drain” ou “option diaspora”, l’inverse de la fuite des cerveaux. Il s’agit d’utiliser l’attachement à la Bretagne pour optimiser son développement économique, ce que font déjà les Irlandais, les Écossais, ou, à une autre échelle, les Chinois. »
Jeunes et mobiles
Enfin, le chercheur a repéré des collectifs qui émergent avec les nouvelles technologies, tels que BZH Network apparu fin 2005. « L’idée est partie d’un expatrié au Japon, qui a regroupé des actualités liées à la Bretagne et les a partagées sur une plate-forme de réseau social. Aujourd’hui, l’initiative doit regrouper
près de 10000 personnes dans le monde et a donné naissance à une page Facebook, un groupe Twitter. Ce sont des Bretons - mais il n’est pas nécessaire d’être né en Bretagne pour se revendiquer Breton ! - qui ont la volonté d’échanger, de créer du lien. » Notamment une population jeune et mobile, qui l’utilise pour une prise de contact avant un déplacement à l’étranger, ou des informations pratiques. D’autres initiatives qui entrent dans ce type de collectifs ont fait parler d’elles dans les médias, par exemple le Breizh Flag Trip Tour, qui regroupe des photos du drapeau Gwenn-ha-du prises partout dans le monde.
À la carte !
Si elle traduit le dynamisme des Bretons à l’étranger, cette diversité d’initiatives révèle également l’absence de structuration officielle. « Si la Bretagne veut une diaspora forte, il est essentiel que la Région s’engage, car les initiatives privées manqueront toujours de légitimité et, comme elles reposent sur des bénévoles, elles restent fragiles et temporaires », pointe Simon Le Bayon.
Peut-on parler d’une diaspora bretonne ?
Le mot diaspora est un terme de la Grèce antique, utilisé pour la première fois à propos du peuple juif. Il traduit l’éparpillement d’un peuple à travers le monde. Initialement associé à de grands mouvements contraints de populations, il s’est aujourd’hui étendu, mais son application aux Bretons n’est pas adoptée par tous. Pourtant, selon Simon Le Bayon, il est possible de parler de diaspora bretonne, car elle respecte les onze points de Cohen généralement admis pour définir une diaspora, parmi lesquels la reconnaissance d’une identité culturelle, l’adhésion à des symboles communs ou encore, parfois, l’existence de difficultés d’intégration.
(1)Thèse relevant d’une convention industrielle de formation par la recherche - Cifre.
Simon Le Bayon
slebayon [chez] gmail.com (slebayon[at]gmail[dot]com)
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