Comment les tiques attaquent
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Une étude montre comment les tiques nous transmettent une maladie, via les animaux des champs et des forêts.
Chaque année, 27000 personnes en France contractent la maladie de Lyme. En Bretagne, 660 nouveaux cas annuels sont estimés. Le service des maladies infectieuses de l’hôpital Pontchaillou, à Rennes, reçoit cent patients par an, pour cinq cas confirmés en moyenne. Les autres services hospitaliers (dermatologie, rhumatologie, neurologie, médecine interne), sans oublier les médecins généralistes, traitent aussi les patients touchés par cette maladie aux symptômes très variés, comme des douleurs articulaires ou une paralysie partielle des membres. Tout cela à cause d’une bactérie, transmise lors d’une piqûre de tique. Un programme de recherche de quatre ans, qui se termine en décembre, étudie l’espèce de tique la plus problématique, Ixodes ricinus. Cet acarien a le mauvais goût de faire circuler entre la faune sauvage, le bétail et les hommes deux bactéries : Borrelia, qui donne la borréliose de Lyme, et Anaplasma, qui affecte les bovins. Baptisé Oscar(1), ce programme est coordonné par Olivier Plantard, directeur de recherche Inra à l’Oniris(2), à Nantes. À Rennes, le laboratoire Écobio(3) participe au projet. Grégoire Perez vient de soutenir sa thèse, sous la responsabilité d’Alain Butet, spécialiste en écologie du paysage(4). Pour comprendre la circulation des bactéries dans le paysage, les Rennais ont étudié la contamination des tiques et des petits mammifères dans une région rurale, au sud de la baie du Mont-Saint-Michel(5).
En hébergeant des bactéries, les tiques transmettent des maladies à l'homme et au bétail
4000 tiques
Pendant deux ans, sur 24 zones de 100 m de long, au milieu de la forêt ou en lisière, le long des haies ou dans le bocage, les chercheurs ont fait leur cueillette. Plus de 4000 tiques ont été ramassées avec une technique imparable : un drap blanc de 1 m2 est traîné à la vitesse de la marche. Les tiques s’y accrochent. En même temps, tous les 3 m, un piège à petit mammifère est posé. Au total, 1 145 mulots, campagnols et musaraignes se sont fait attraper. La moitié d’entre eux avaient au moins une tique, des larves en général, sur le museau ou les oreilles. Des analyses génétiques ont montré que 4 % des animaux étaient porteurs de la bactérie Borrelia. Quant aux tiques, 1 à 5 % d’entre elles étaient infectées(6), selon les souches considérées.
Autour des villes
« Nous pensions que les tiques étaient surtout présentes en forêt, explique Alain Butet. C’est là où vit la faune sauvage et là où les gens se font piquer. Mais notre étude montre que le cycle de vie des tiques se maintient dans le paysage agricole. Les petits mammifères et les chevreuils y circulent. » L’étude dévoile notamment les routes prises par les bactéries. « Le campagnol roussâtre porte généralement moins de tiques, mais il multiplie bien la bactérie Borrelia, qui reste active plus longtemps, précise Grégoire Perez. Le mulot sylvestre nourrit plus de tiques, mais héberge moins de bactéries. » Cette recherche a fait l’objet d’une publication scientifique(7). Les deux biologistes viennent aussi de contribuer au premier ouvrage francophone de référence sur les tiques(8). Ils envisagent de poursuivre la recherche autour des villes, dans les lotissements et les espaces verts. Les biologistes voudraient aussi suivre les vols des tiques à dos d’oiseau. Mais c’est plus compliqué.
Les trois repas de sang
Larve, nymphe ou adulte : la tique pique aux trois stades de sa vie. La larve attend dans la végétation qu’un petit animal passe. Elle s’accroche à un mulot et fait son premier repas de sang. Elle se décroche, mue et devient une nymphe, de retour dans l’herbe. Elle guette alors un vertébré plus grand, un lapin, un oiseau, un lièvre, un chevreuil ou un humain. Riche de ce second repas, elle se transforme en adulte. Posée plus haut dans la végétation, la femelle adulte tente d’accrocher un grand mammifère, un chevreuil, une vache. Ce troisième repas de sang lui fera pondre jusqu’à 2000 œufs ! Ce cycle dure deux ans. C’est au cours de ces trois repas qu’ont lieu les échanges de bactéries entre la tique et ses hôtes.
(1) Oscar (Outil de simulation cartographique à l’échelle du paysage agricole du risque acarologique) est un programme (2012-2016) de l’Agence nationale de la recherche.
(2) UMR BioÉpAR (Biologie, épidémiologie et analyse de risque en santé animale) Inra -Oniris –École nationale vétérinaire, agroalimentaire et de l’alimentation Nantes-Atlantique. Des équipes (Inra, IRD, CNRS) Clermont-Ferrand, Toulouse et Montpellier participent aussi au projet.
(3) À l’Osur, Observatoire des sciences de l’Univers de Rennes (CNRS -Université de Rennes 1).
(4) La thèse a également été encadrée par Suzanne Bastian (Oniris).
(5) Près de Pleine-Fougères, le site où le CNRS réalise des études depuis 1993 s’appelle la Zone atelier Armorique.
(6) Pour la bactérie Anaplasma, 7 % des mammifères et 2 % des tiques étaient positifs.
(7) Parasites & Vectors.
(8) Tiques et maladies à tiques. Biologie, écologie évolutive, épidémiologie. IRD Éditions. Le café de l’Espace des sciences du 5 janvier 2017 sera consacré aux tiques.
Alain Butet, tél. 02 23 23 69 26,
alain.butet@univ-rennes1.fr
Grégoire Perez,
perez.gregoire@gmail.com
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