Le crash-test des matériaux

N° 345 - Publié le 19 octobre 2016
Ces tiroirs contiennent des roches, extraites de toutes les stations de la ligne B du métro de Rennes. Damien Rangeard les étudie pour comprendre comment le sous-sol agit sur les ouvrages.

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Les matériaux d’un bâtiment, et le sol où il sera fixé, sont passés au crible sur un plateau technique, à l’Insa de Rennes.

Sur le campus de Beaulieu, à Rennes, des matériaux subissent des tortures abominables. Une presse mesure leur résistance à la compression, de 500 kg à 300 tonnes. Pour vieillir plus vite, les matériaux sont soumis à des ambiances très particulières. Du béton ou, par exemple, des fragments de roches en contact avec les fondations sont piégés dans une enceinte où le taux de CO2 et la température sont élevés. Cela accélère les réactions chimiques à l’intérieur du matériau. Ici, on étudie leur résistance au sel. Là, il y a un bain d’acide : des cailloux, destinés au ballast d’une voie ferrée, y font trempette pendant un mois, pour que l’on connaisse leur évolution.

Ce plateau technique de 200 m2, dédié à l’étude des matériaux du génie civil et à la géotechnique, est à l’Insa de Rennes. Deux autres plateaux sont sur ce site, pour étudier les structures et la mécanique. Un quatrième plateau, pour l’analyse du confort des bâtiments, notamment l’acoustique, se trouve au lycée rennais Pierre-Mendès-France. Le cinquième est dédié à l’e-manufacturing, c’est-à-dire l’amélioration de la production dans le BTP, grâce à la robotique et au numérique. Il est à côté de l’Insa, à l’IUT Génie civil, où le dernier plateau technique sert l’écoconstruction(1).

« Nous caractérisons ici les matériaux du génie civil, comme les sols, les roches, le béton, le bois, ou des matériaux destinés à être recyclés, comme du verre broyé, explique Anne Foutel-Richard, coordinatrice de la plate-forme technologique. Nous répondons aux demandes des industriels, quand les laboratoires privés ne peuvent pas. Les activités du génie civil étant très normalisées, ces laboratoires suivent des méthodes précises : si la question devient plus vaste, ils ne savent pas aller plus loin et font appel à nous. »

Chimie, géologie

Cette plate-forme, qui travaille parfois pour des experts des tribunaux lors de litiges liés à une construction, a construit un savoir-faire autour de plusieurs partenariats. « Nous bénéficions, par exemple, de matériels de chimie très pointus, grâce au laboratoire de l’Institut des sciences chimiques de Rennes et au Centre de microscopie électronique à balayage de Rennes, explique Damien Rangeard(2), responsable du plateau Matériaux. C’est une chaîne d’expertises, depuis l’échelle atomique des matériaux, jusqu’à leur utilisation dans le génie civil. » Toutes les gammes de caractérisation sont réalisées : chimique, minéralogique, physique et mécanique.

Les matériaux d’un bâtiment, futur ou vieillissant, sont étudiés mais aussi le sol lui-même, lié aux constructions. La veille de notre visite, les chercheurs ont reçu un problème à résoudre : un terrain de tennis dans les Côtes-d’Armor, âgé de 30 ans, se gonfle et se fissure depuis l’an dernier. Le carottage du sol a été effectué par un bureau d’études. « Nous allons comprendre pourquoi il y a ce gonflement en caractérisant le sol. Les granulats de l’enrobé contiennent des minéraux, qui gonflent en s’altérant. Le microscope électronique à balayage permettra d’identifier les traces d’altération. C’est de la mécanique du sol et de la minéralogie. »

Le métro de Rennes

Mais le grand projet du moment est réalisé pour la Semtcar, l’organisme qui gère les transports publics à Rennes. La seconde ligne de métro de la capitale bretonne est en train d’être percée. « Depuis fin 2014, nous accompagnons la Semtcar pour tout ce qui concerne le sol et le sous-sol, explique Damien Rangeard. Nous visitons les stations de la ligne B, au fur et à mesure des excavations, et les roches que nous prélevons, de 2 à 32 m de profondeur, subissent différents types d’essais. » Les chercheurs et les ingénieurs de l’Insa observent la nature des roches (schiste, grès, granodiorite) et leurs orientations pour comprendre leurs comportements mécaniques et leurs impacts sur les ouvrages.

Les scientifiques(3) ont aussi mis au point une méthode pour caractériser les sols ni mous (comme la boue), ni durs (comme la roche), appelés “sols indurés roches tendres”. Les résultats constituent une base de données pour la Semtcar. « Ces résultats sont aussi très intéressants pour la formation des étudiants. L’ingénieur en génie civil doit connaître les structures, mais également les forces dans le sol, liées à la géologie. » Outre la caractérisation de matériaux dans le cadre de prestations, certaines recherches sont parfois prolongées par des études en laboratoire, à travers des contrats de recherches et des thèses.

Nicolas Guillas

(1) Ces six plateaux constituent la plate-forme technologique Génie civil et mécanique.
(2) Damien Rangeard est maître de conférences à l’Insa, spécialiste de la géotechnique et mécanique des sols.
(3) Marie-Pierre Dabard, géologue au laboratoire Géosciences Rennes (CNRS, Université de Rennes 1), fait notamment partie de l’équipe.

Anne Foutel-Richard
tél. 02 23 23 87 40
anne.foutel-Richard@insa-rennes.fr

Damien Rangeard
tél. 02 23 23 83 12
damien.rangeard@insa-rennes.fr

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