Qui mange bien nourrit bien
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Modifier l’alimentation des animaux a des effets positifs sur la santé, l’écologie et l’économie.
Changer le menu des animaux pour améliorer notre équilibre alimentaire. C’était l’objectif du projet Agralid, coordonné par l’Inra de Rennes(1) et qui vient de s’achever par un séminaire à Paris le 8 novembre dernier. Le projet a réuni des chercheurs de différentes disciplines autour de l’intérêt d’augmenter la quantité d’acides gras oméga-3 dans l’alimentation animale. Le but final est de combler le déséquilibre entre les apports en oméga-3 et 6 chez l’homme. « Le rapport recommandé est de cinq oméga-6 pour un oméga-3, explique Jacques Mourot, directeur de recherche à l’Inra de Rennes et coordinateur du projet, mais actuellement il est plutôt entre quinze à trente oméga-6 pour un oméga-3. » Or, la proportion en acides gras est essentielle pour le bon fonctionnement du cerveau et du système cardio-vasculaire. Un des leviers possibles est donc de consommer des produits venant d’animaux ayant reçu une alimentation riche en oméga-3. Cette idée est notamment soutenue depuis plus de quinze ans par la filière Bleu-Blanc-Cœur(2), partenaire du projet.
Du lin et des algues
« L’originalité du projet Agralid est d’avoir pris en compte en même temps les aspects nutritionnels sur plusieurs espèces animales, les impacts sur l’environnement et l’acceptation par le consommateur », déclare le chercheur.
Son équipe a testé plusieurs rations sur 70 porcs, autant de poules et 48 vaches laitières. L’une d’elles contenait des graines de lin(3), connues pour être riches en un précurseur de la famille des oméga-3, l’ALA(4). Mais l’organisme a aussi besoin d’une forme allongée de ce précurseur, le DHA(5). Il est capable de convertir l’ALA en DHA, mais le taux de conversion n’est que de 2 %. Les scientifiques ont donc eu l’idée de tester, pour la première fois, une ration avec des microalgues, contenant directement du DHA. Un succès, sauf pour les vaches, qui n’ont pas vraiment supporté le régime à la dose testée, car les algues ont fermenté dans leurs estomacs.
Au final, la viande, le lait ou les œufs des animaux nourris avec une ration riche en oméga-3 (lin et/ou algues) contiennent environ cinq fois plus d’oméga-3 que leurs équivalents issus d’élevages standards.
Et en plus d’être bons pour la santé humaine, ces produits ont un meilleur goût, d’après les dégustateurs professionnels interrogés par les chercheurs. L’environnement est aussi gagnant, puisque l’élevage des vaches nourries avec du lin dégage ainsi 20 % de gaz à effet de serre en moins. Et du côté des éleveurs ? Les aliments sont certes plus chers, mais ceci est compensé par le prix de vente des produits, également plus élevé. Et en plus, les animaux sont eux aussi en meilleure santé !
Prêts à payer
D’autres chercheurs participant au projet ont évalué la réaction de 300 personnes, dans des restaurants d’entreprise. Les menus qui mettaient en avant l’origine et le mode de production des aliments ont été les plus choisis et les consommateurs étaient prêts à les payer jusqu’à 10 % plus cher. Les résultats du projet seront bientôt mis à disposition des nutritionnistes et du grand public, à travers un outil d’aide à la décision, qui permettra de voir en un seul coup d’œil les conséquences nutritionnelles et environnementales de son repas.
(1) Inra/Agrocampus Ouest, en collaboration avec l’Inra de Tours, la coopérative Terrena, l’école supérieure d’agriculture d’Angers, Valorex, Bleu- Blanc-Cœur et l’école de commerce Audencia.
(2) Voir Sciences Ouest n° 182- novembre 2001.
(3) Les graines de lin n’étant pas digestibles telles quelles, elles sont d’abord cuites, voir Sciences Ouest n° 341-avril 2016.
(4) Acide alpha- linolénique.
(5) Acide docosahexaénoïque.
Jacques Mourot
tél. 02 23 48 50 60
jacques.mourot@rennes.inra.fr
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