Tara : le voilier scientifique de retour à Lorient

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N° 367 - Publié le 6 décembre 2018
Céline Bellanger
La goélette, ici entre Groix et la rade de Lorient, est revenue au port le 27 octobre, après un voyage de deux ans et demi dans l'océan Pacifique.

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Parcourant l’océan Pacifique depuis 2016, Tara a exploré les récifs coralliens.

De retour du Pacifique, Tara a fait sa dernière escale à l’île de Groix, face à Lorient. « C’est une fierté de faire partir ces expéditions scientifiques de Bretagne, s’enthousiasme Frédérique Vidal, la ministre de la Recherche et de l’enseignement supérieur, venue sur l’île pour l’événement. Je suis très contente de monter à bord ! » Une armada de scientifiques, de personnalités et de journalistes s’est élancée vers le continent, l’après-midi du 27 octobre, pour célébrer le retour d’une mission scientifique de 29 mois. Sur les quais de Lorient, son port d’attache, la foule a accueilli la goélette avec émotion.

Le voilier de 36 mètres achève un périple de plus de 100000 kilomètres. Objectif de cette mission : étudier la santé des coraux à l’échelle d’un océan entier. C’est la première fois qu’un tel état des lieux est réalisé. Plus de 36000 échantillons ont été prélevés dans 30 pays.

Le quart des coraux disparus

Cette moisson de coraux, de planctons et de poissons est en cours d’analyse, mais les scientifiques partagent déjà leurs constats. Témoins du changement climatique, les récifs coralliens subissent des mortalités massives. « On estime que 20 à 25 % des récifs ont irrémédiablement disparu », souligne Serges Planes, chercheur CNRS et directeur scientifique de l’expédition. Dans certaines îles des Tuamotu en Polynésie, l’équipe Tara Pacific a observé que 30 à 50 % de certains récifs ont blanchi. Dans les îles Samoa, 90 % du récif est affecté. C’est la conséquence de la surpêche et des rejets de substances chimiques, d’eaux usées et de déchets. « Nous avons découvert un patchwork corallien avec des zones plus touchées que d’autres », poursuit le chercheur. Les récifs réagissent différemment aux stress globaux(1) et locaux(2).

2677 plongées

En deux ans et demi, 2677 plongées ont permis de récolter trois espèces de coraux(3). L’eau a été prélevée sur chaque site pour caractériser le milieu où vit le corail. Ces échantillons fournissent des données inédites. Les scientifiques connaîtront mieux la biodiversité des récifs et leur fonctionnement. Des études génétiques vont permettre de comprendre leurs capacités d’acclimatation aux variations de l’environnement.

« Il est de la responsabilité des scientifiques d’apporter aux décideurs ces informations sur les écosystèmes », insiste Antoine Petit, le président-directeur général du CNRS(4), lors de l’arrivée de Tara à Lorient. La goélette, revenue au port avec les derniers échantillons, y restera plusieurs mois, jusqu’à la prochaine mission. Stéphanie Thiébault, la directrice de l’Institut écologie et environnement du CNRS, le souligne : « La conquête des océans est comme celle de l’espace, nous sommes loin d’avoir terminé. »

 

« Nous pouvons agir ! »

Certaines observations ont surpris le directeur général de Tara.

Sciences Ouest : Cette mission s’est-elle distinguée des précédentes ?

Romain Troublé : Elle était plus risquée ! Nous avons plongé dans des coins très reculés, où un accident peut être dramatique. Cette mission a pris une ampleur inédite. Deux ans et demi, c’est long !

SO : Comment se déroule une journée ?

RT : Nous nous levons très tôt pour plonger, avant le petit déjeuner. Nous prélevons du corail et d’autres échantillons sur le récif. L’équipage se prépare pour une seconde plongée, en fin de matinée. Le reste de la journée est consacré au tri des échantillons collectés, à leur fixation dans des produits chimiques et à leur stockage. Le lendemain, on recommence ! Entre les récifs, nous collectons du plancton, jour et nuit.

SO : Vos constats étaient-ils attendus ?

RT : Je suis très étonné du contraste observé entre les différents récifs. Leurs réponses au changement climatique varient selon les stress appliqués aux écosystèmes. Nous sous-estimons les effets locaux en nous disant que l’océan est tellement vaste ! Mais les récifs coralliens montrent l’importance des actions locales, comme le traitement des effluents. C’est une question de société et de politiques publiques. Les populations locales, ici ou ailleurs, doivent aussi prendre conscience des enjeux.

SO : Il n’est pas trop tard ?

RT : La situation actuelle est plus que préoccupante. Mais, nous pouvons encore agir ! Tout est entre nos mains. Il faut se battre avec ses idées. La fondation Tara agit dans ce sens, avec les scientifiques.

Propos recueillis par Marion Guillaumin

Contact
Romain Troublé
romain [at] taraexpeditions.org (romain[at]taraexpeditions[dot]org)

 

 

Le réchauffement blanchit les coraux

« Un corail, c’est une espèce bizarre, décrit Stéphanie Thiébault. On dirait un végétal, mais c’est un animal. » Cet organisme résulte d’une symbiose entre un animal et une algue. Celle-ci apporte à l’organisme plus de 90 % de son énergie. Quand la température de l’eau augmente, l’algue est expulsée du corail, qui blanchit. « C’est un signe de mauvaise santé, explique Serge Planes. Ce blanchiment est l’effet du réchauffement climatique. » La dégradation des récifs a des conséquences terribles, car ils hébergent et nourrissent 30 % de la biodiversité marine connue. « Un corail, c’est une espèce bizarre, décrit Stéphanie Thiébault. On dirait un végétal, mais c’est un animal. » Cet organisme résulte d’une symbiose entre un animal et une algue. Celle-ci apporte à l’organisme plus de 90 % de son énergie. Quand la température de l’eau augmente, l’algue est expulsée du corail, qui blanchit. « C’est un signe de mauvaise santé, explique Serge Planes. Ce blanchiment est l’effet du réchauffement climatique. » La dégradation des récifs a des conséquences terribles, car ils hébergent et nourrissent 30 % de la biodiversité marine connue.

Marion Guillaumin

(1) Acidification des océans et réchauffement climatique.
(2) Pollutions, érosion, urbanisation et pêche invasive.
(3) Porites lobata, Pocillopora meandrina et Millepora platyphyla ont été prélevés manuellement et par carottage (avec une foreuse) sur chaque site.
(4) Lire son portrait p.23.

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