Polluants : des assassins sous surveillance

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N° 370 - Publié le 6 mars 2019
Dans un bois, sur un boulevard ou près de l’aéroport, les collégiens enquêteurs ont quadrillé le terrain. Julie Lallouët-Geffroy

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Un article écrit par les élèves du collège Jean-Moulin, à Saint-Jacques (35)

Plus de 600 morts, 60000 personnes hospitalisées, 10 à 16 % d’adolescents touchés : ce sont les chiffres incroyables de l’asthme en France(1). Cette maladie chronique et répandue se caractérise par sa dimension multi-factorielle. C’est-à-dire que plusieurs causes la provoquent. Il y a des facteurs génétiques mais aussi environnementaux à prendre en compte.

Des cas d’asthme se sont déclenchés suite à des pics de pollution exceptionnels. C’était le cas lors de l’accident d’AZF, une usine de production d’engrais, qui a explosé à Toulouse en septembre 2001. Il a fait 31 morts et 2500 blessés. Selon l’Institut de veille sanitaire(2), dans l’année qui a suivi, de nombreuses personnes se sont plaintes de crise d’asthme dues aux polluants rejetés lors de l’explosion.

Autre cas de pollution extrême. En novembre 2018, une quantité phénoménale de feux d’artifice et de pétards a été tirée lors de la fête hindoue Diwali, en Inde, l’un des pays les plus pollués au monde. Selon un article de l’AFP, les particules fines ont atteint 1000 µg/m³ d’air, alors que le seuil recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est de 25 µg/m³ d’air.

On peut soulever la question de ces cas spectaculaires, mais il ne faut pas oublier la pollution insidieuse, car moins visible, qui a aussi des conséquences sur la santé. Ainsi, en France, 75 à 98 % de la population infantile est soumise à une qualité de l’air inférieure au seuil recommandé par l’OMS.

Des capteurs ont permis de connaître en temps réel la qualité de l'air environnant. Pour des mesures fiables, les élèves ont effectué des relevés toutes les 45 secondes, pendant deux minutes. Julie Lallouët-Geffroy

Le transport routier

Selon les chiffres de Santé publique France, il y a entre 122 et 173 personnes qui meurent chaque année à Rennes Métropole à cause de la pollution de l’air. Le territoire de la métropole émettait en 2014, 11377 tonnes de polluants, toutes émissions confondues(3). Cette année-là, 246 tonnes provenaient de la commune de Saint-Jacques-de-la-Lande, près de Rennes. Sur cette commune, la première source de pollution est le transport routier avec 133 tonnes d’émissions émises sur l’année. Tous polluants confondus. Mais ce serait sans compter la pollution émise par les habitations, l’aéroport, l’agriculture et le secteur tertiaire.

Particules fines, dioxyde d’azote

Trois éléments sont présents dans l’air de Saint-Jacques. Les particules fines PM10, qui sont des particules en suspension venant d’abord des maisons et des bureaux, à cause du chauffage. Les particules fines PM2.5, plus petites que les PM10, proviennent des transports, des bureaux et des usines. Le dioxyde d’azote, qui se forme dans l’atmosphère à partir du monoxyde d’azote, vient des usines et des bureaux. On peut aussi relever l’ammoniac dû à l’agriculture environnante.

La pollution de l’air peut aussi faciliter la naissance de maladie, sans lien direct avec l’appareil respiratoire. L’Inserm dénombre 130000 accidents vasculaires cérébraux (AVC) en France chaque année, soit un AVC toutes les quatre minutes. La part attribuable à la pollution de l’air dans les pays aux revenus élevés est de 33,7 %(4). Tout part d’un caillot présent dans une artère. À cause d’une pollution, mais aussi d’une maladie ponctuelle, il peut se détacher et s’installer dans une artère plus petite et la boucher. L’alimentation du cerveau est alors entravée, provoquant un AVC.

La pollution de l’air peut aussi expliquer la naissance d’enfants nés en sous-poids. La mère alimente le fœtus à travers le placenta. Une inflammation peut empêcher l’oxygène d’aller vers le futur bébé. Les causes principales sont l’alcool et le tabac. Mais aussi, de manière plus diffuse, la pollution de l’air. Un bébé né en sous-poids pèse moins de 2,5 kg. C’est ce qu’on appelle l’hypotrophie, qui entraîne des retards de croissance. Selon l’Inserm, 2,3 % de ces cas sont dus à la pollution de l’air.

La maladie d’Alzheimer

Des liens sont également établis avec la maladie d’Alzheimer, qui provoque des pertes de mémoire et des difficultés à se repérer dans le temps et dans l’espace. Cette maladie concerne essentiellement les personnes de plus de 65 ans. D’après une étude menée par des chercheurs britanniques(5), les nanoparticules présentes dans l’air, qui sont plus petites que les particules fines et ultrafines, détruisent les cellules nerveuses et peuvent déclencher une dégénérescence mentale. On sait aujourd’hui que la qualité de l’air a un rôle dans le développement de la maladie d’Alzheimer, mais les recherches sont encore débutantes.

Enquête réalisée par les élèves de 4e B du collège Jean-Moulin de Saint-Jacques-de-la-Lande : Clémence, Mathéo, Meïssane, Elina, Sara, Ipaho, Mathéo, Nohayla, Léonardo, Kaourantin, Farah, Alicia, Mattéo, Lola, Célia, Eloïs, Amine, Lewis, Enzo, Cassiopée, Hemgin, Aliou, Elias, Amandine

(1) Source : Institut national de veille sanitaire, étude réalisée en 2008-2009.
(2) L’Institut national de veille sanitaire (InVS) est devenu l’agence Santé publique France (NDLR).
(3) Source : Air Breizh.
(4) Source : une étude publiée dans la revue The Lancet neurology, 2016, citée par l’AFP.
(5) Source : Sciences et avenir, citant une étude publiée dans The British journal.
 

UN PARTENARIAT ENTRE ACTEURS DE L'EDUCATION, DE LA CULTURE ET DES SCIENCES

Ce travail s'inscrit dans le cadre de l'appel à projet de la Direction régionale des affaires culturelles. la Drac incite les journalistes à intervenir dans les établissements scolaires sur le thème de l'éducation aux médias, et à l'information, avec le soutien du département d'Ille-et-Vilaine. L'Espace des sciences a permis aux élèves de concrétiser leur travail. D'une part avec la publication de cet article dans Sciences Ouest, et d'autres part avec la réalisation d'une vidéo, tournée dans le studio de l'Espace des sciences.
L'appui de la MCE, en particulier de Jacques Le Letty, spécialiste de l'air, a été essentiel pour compléter l'encadrement de Sophie Dalibot, professeure de SVT et Pénélope Carmona, professeure de français au collège Jean-Moulin. Un café de l'Espace des sciences exceptionnel est proposé le 7 mars, à 18h30, à la MCE, boulevard Magenta à Rennes, sur l'actualité de la recherche dans le domaine de la pollution de l'air. Animé par les journalistes de Sciences Ouest, ce café s'inscrit dans le prolongement du travail des élèves. L'épidémiologiste Bénédicte Jacquemin est notre invitée.

 

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